POUR LE RÉCONFORT de Vincent Macaigne

Vincent Macaigne est un réconfort !

J’adore Albert Dupontel. J’ai ri aux larmes il y a des années de cela à l’un de ses spectacles. J’aime son regard décalé, son côté piquant et combatif. Cette rage dont on sent qu’elle bouillonne lorsqu’il répond à des journalistes qui essayent comme trop souvent de l’enfermer dans des clichés. J’ai entendu plusieurs interviews sur « Au revoir là-haut » où il expliquait qu’il avait fait une lecture à la fois sociale et fantastique du Prix Goncourt 2013. D’ailleurs comment échapper au battage médiatique entourant ce film ? De quoi espérer, compte tenu du budget de 20 M €, un spectacle poignant, qui ferait peut-être écho à notre époque, et qui emporterait le spectateur.

Rien, aucune émotion, une succession de scènes décousues avec un double dénouement d’une lourdeur totale.

J’adore Vincent Macaigne. J’ai été bluffé il y a quelques années par sa pièce « Idiot ! » à la MC2. J’aime son regard décalé, son côté piquant et combatif. Cette rage dont on sent qu’elle bouillonne lorsqu’il répond à des journalistes qui essayent comme trop souvent de l’enfermer dans des clichés. Je n’avais pas spécialement entendu parler de son premier long métrage. Ah si j’avais juste entendu dire qu’il l’avait tourné quasiment sans budget et grâce à la bonne volonté de quelques amis comédiens et techniciens.

Une grand claque, une fureur qui parfois transperce l’écran et vous attrape par les tripes, une subtilité dans l’évolution des personnages qui entretient le questionnement, et une fin qui laisse le spectateur en suspension.

Même si le film sort en 2017, il a été tourné il y a quatre ans et résonne de manière étonnante dans notre nouvelle France macronienne, avec une opposition frontale dès les premières minutes entre les nantis un brin condescendants et le besogneux parti de rien, la rage au ventre, face à ses anciens camarades d’école dont il ne supporte plus la nonchalance économique et patrimoniale.

Mais l’intelligence de Vincent Macaigne est de ne pas tomber dans un manichéisme caricatural : le développement cynique d’une France couverte de maisons de retraite, « la vieillesse est l’avenir ! », est en fait l’arme de vengeance massive du fils d’ouvrier sur les héritiers, dont il rêve de racheter puis de raser le domaine et les plantations pour étendre son bétonnage morbide. Le désir légitime d’une vie meilleure et l’âpreté au gain d’un côté, la valeur humaine et mémorielle d’un patrimoine et le mépris de classe de l’autre côté. Chacun a ses aspirations lumineuses et ses zones d’ombre. Les sentiments que le spectateur éprouve pour chacun des personnages et de ce qu’ils représentent ondulent au gré des situations, des rencontres, des engueulades – dont une scène en voiture où la haine est à son paroxysme, rendue quasi irrespirable à cause de la promiscuité due à cet habitacle clos. Comme le dira Vincent Macaigne après la séance, il n’a pas voulu prendre position ni fournir au spectateur un point de vue, mais il voulait montrer les frictions, les frottements, souvent rugueux, entre des êtres humains qui se débattent dans une société en mutation.

Sur ce tableau sombre, deux personnages lunaires et poétiques sèment ponctuellement quelques tâches plus claires qui allègent la tension et font émerger un soupçon de bienveillance dans ce monde âpre et hostile.

Cerise sur le gâteau, le réalisateur est venu répondre aux nombreuses questions suscitées par le film, autant sur le fond que sur la forme. C’était touchant car il partageait ses intentions, ses doutes, la petite cuisine derrière la caméra, les nécessités financières et légales liées à la distribution en salles, les projets avortés, sa vie sur les routes – après avoir recadré assez longuement et fermement une personne s’attendant à voir un bobo parisien, peut-être parce qu’il avait fait la semaine précédente la Une de Télérama. Vincent Macaigne est un bricoleur de génie, ne se fixant a priori pas de limite à ses envies de mettre en scène les mérites et les travers, les petitesses et les grandeurs qui cohabitent en nous. S’il se heurte à un mur, il propose une forme différente, alternant théâtre, télévision, court-métrage, cinéma, projets coûteux et risqués et créations avec trois bouts de ficelle.

En repartant on a le sentiment d’avoir vu de l’art en mouvement, cette capacité unique qu’ont certains artistes à extraire de notre quotidien banal, les signes, les postures et les vibrations qu’ils tissent ensuite en une trame universelle qui touche chacun de nous. Un art à notre hauteur, un art qui suscite l’envie de faire, un art dont le geste même est un … réconfort !

Albert, je t’en supplie, retourne au bricolage !

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