Indigènes

En hommage aux tirailleurs africains pendant la deuxième guerre mondiale, Rachid Bouchareb leur offre mieux qu'un monument pétri de bonne conscience : un film de guerre fort, précis, émouvant et magistralement incarné. Christophe Chabert

À Cannes, certains ont fait la grimace devant Indigènes : pas assez auteur, trop mainstream, cette fresque retraçant la libération de la France du point de vue des tirailleurs africains embarqués pendant la deuxième guerre mondiale lorgnerait du côté des grands Américains (du Jour le plus long au Soldat Ryan). Reproche débile à double titre : c'est tout l'honneur de Bouchareb d'ériger son film à la hauteur des grosses productions sur la même période, mais traitant le sujet de "leur" point de vue, comme si la correction apportée à l'histoire (l'importance oubliée de ces guerriers colonisés revendiquant fièrement leur appartenance à la "mère patrie") était avant tout une correction cinématographique. Et surtout, face à ces prestigieux modèles, Indigènes ne rougit pas.Il faut sauver les soldats RajanModèle de construction, le film saisit quatre personnages "emblématiques" pour les réunir sous le commandement d'un lieutenant autoritaire mais humain (Bernard Blancan, aussi excellent que les "stars" du film). Le petit Algérien analphabète et fragile (Jamel Debbouze, parfait car s'autorisant à ne pas jouer que le sérieux du personnage), le mercenaire berbère (Samy Naceri, dans le rôle de sa vie, qu'il ne laisse pas passer), le tireur d'élite (Roschdy Zem offre une performance sidérante, à la fois massive et romantique) et enfin l'intellectuel tenté par l'engagement politique (Sami Bouajila, l'étoffe des grands acteurs du cinéma français) : tous enrôlés dans le même régiment, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'eux pour défendre héroïquement un bastion alsacien temporairement abandonné par les Allemands. Le film avance au rythme de ses soldats, batailles après batailles, certaines épiques, d'autres intimes - rébellion contre les différences de traitement entre les Indigènes et les Français de souche, début de romance entravée par la censure aveugle des états-majors, conflit sur les possibilités d'avancement des tirailleurs -ce qui permet à Bouchareb de placer quelques discrètes allusions à la situation politique contemporaine (on entend ainsi parler de "quotas"). Mais l'essentiel est ailleurs... Dans le traitement particulièrement impressionnant des combats, d'un réalisme saisissant, mais surtout dans l'émergence lente de ses héros. Figures archétypales de tout film de guerre qui se respecte, les quatre indigènes du film ont ceci en plus qu'ils semblent souvent ne faire qu'un avec l'acteur qui les incarne, avec les causes qu'il défend, avec la douleur qu'il éprouve. C'est ce qui rend la longue séquence finale du film, plongée terrifiante dans la nuit d'une dernière bataille impossible, si poignante et si intense. Certes, l'utilité historique d'un tel film est évidente ; mais passé ce nécessaire "devoir de mémoire", Indigènes s'affirme comme un grand film de genre, d'une maîtrise rarement vue dans le cinéma français.Indigènesde Rachid Bouchareb (Fr-Maroc, 2h08) avec Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Samy Naceri, Roschdy Zem, Bernard Blancan...

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