Un été dans le moteur

Parmi la bonne centaine de films à sortir de juillet-août — d’où, en général, un massacre en règle à l’arrivée — tentons de sauver quelques œuvres du turn over infernal auquel la déferlante de blockbusters les soumettra sans doute. Christophe Chabert

L’événement hors catégorie de cet été, c’est bien entendu l’incroyable Holy motors (4 juillet) de Leos Carax, de retour au cinéma après 13 ans de quasi-absence. Denis Lavant, acteur fétiche de Carax, incarne Monsieur Oscar, un comédien qui lui-même prête ses traits à une myriade de personnages. Jouer et vivre sont indissociables, il n’y a ni caméra, ni spectateurs, juste un homme fatigué dont le destin se confond avec celui du cinéma de Carax mais aussi du cinéma lui-même. Truffés d’autocitations et de réflexions façon Godard sur la fin d’un art, Holy motors est pourtant un film porté par une joie permanente, un désir cannibale d’inventer sans cesse le cinéma de demain. Carax se confronte à tous les genres, à toutes les formes et en sort systématiquement vainqueur et grandi : jamais son cinéma n’avait été aussi généreux, ludique et ouvert. Un miracle ! Xavier Dolan est un peu le Carax québécois : sa jeunesse insolente et ses déclarations prétentieuses associées à la maigreur de ses deux premiers opus, en ont fait un cinéaste qu’on aime détester. Et pourtant… Laurence anyways (18 juillet) marque une sacrée avancée pour lui. On pourrait en compter les défauts, les scories, les excès (il y en a, et un paquet, des clips façon Adrian Lyne du début aux grands discours sur la marge et la norme, des citations à la pelle…) ; mais il faut aussi reconnaître de belles choses dans ce très long métrage (2h41) sur un homme (excellent Melvil Poupaud) qui décide de devenir une femme, au grand désarroi de sa compagne (formidable Suzanne Clément). Dans sa boulimie d’éclats visuels et son envie de sidération permanente du spectateur (point commun avec le Carax des années 80), Dolan ramène quelques instants sublimes et une manière très inspirée de filmer les sentiments. Médée massacre Venu de Belgique, Joachim Lafosse avait frappé un grand coup il y a trois ans avec le dérangeant et archi-maîtrisé Élève libre. Il confirme dans À perdre la raison (22 août) qu’il aime gratter là où ça fait mal, adaptant un fait divers qui n’est pas sans rappeler la tragédie de Médée. Moins radical dans sa forme que le film précédent, À perdre la raison tisse autour de son personnage féminin (Émilie Dequenne) une toile d’araignée sociale où son mari (Tahar Rahim) et leur protecteur (Niels Arestrup) la remettent, par réflexe ou par choix, dans son rôle de mère au foyer. Quelle part tient là-dedans la pression culturelle, le patriarcat, le machisme mais aussi, le hasard et la manipulation ? Lafosse se contente d’observer le piège se refermer jusqu’au drame, à la fois libérateur et effrayant, qui achève de déranger le spectateur. Malaise, mais malaise stimulant, preuve d’une maturité indéniable chez ce jeune metteur en scène.

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