Heimat

Présenté en deux parties, ce quatrième volet d’Heimat est un prequel à la saga d’Edgar Reitz, qui retrace ici une période méconnue de l’histoire allemande, celle des années 1840. C’est surtout le premier tourné spécialement pour le cinéma, ce que la mise en scène, ample et spectaculaire, souligne, tandis que le propos, lui, est parfois confus. Christophe Chabert

Les quatre heures (en deux parties) de ce nouvel Heimat font presque figure de courts métrages par rapport aux précédents volets de la saga d’Edgar Reitz. Allant de 10 à 25 heures (!), ces monuments du cinéma allemand contemporain étaient en fait des séries télé dont la qualité a poussé des distributeurs français hardis à les sortir en salles. Mais Chronique d’un rêve et L’Exode ont été tournés directement pour le cinéma, et cela se voit : dans un splendide scope noir et blanc, avec des mouvements de caméra amples et lyriques et un sens de la composition produisant une beauté à couper le souffle, Reitz affirme la souveraineté d’une mise en scène taillée pour le grand écran.

Ce qui ne vient pas, bien au contraire, contrarier le projet qu’il mène depuis maintenant trente ans : peindre l’Histoire de l’Allemagne en l’incarnant dans des récits fortement romanesques et des personnages aux destinées à la fois singulières et emblématiques des époques traitées, illustrant le double sens du terme Heimat, «patrie» et «foyer».

Révolution(s)

Une famille de fermiers, saisie dans un village rural au cœur de l’Allemagne de 1842, est au centre de ce nouveau récit. En particulier deux frères, Jakob le littéraire rêveur et Gustav le soldat terrestre, qui vont tomber amoureux d’une même femme et se confronter chacun à leur façon à la perspective de l’exil. C’est un espoir pour Jakob, ce sera une fatalité pour Gustav, comme cela fût le cas pour des millions d’Allemands à l’époque. Dans la première partie, Reitz pose avec patience ses enjeux dramatiques, avant de construire un climax impressionnant où le récit se concentre autour d’une nuit où les destins basculent, tandis qu’un embryon de révolution se dessine. Il y a presque du Cimino dans cette façon de suspendre le récit autour d’un moment crucial — et d’une scène de bal — et ce long final ouvre des promesses passionnantes pour la deuxième moitié.

Elles ne seront qu’imparfaitement tenues, le film peinant alors à retrouver ce souffle romanesque, tandis que son propos historique s’obscurcit. Reitz le fait exister en soulignant par des touches de couleur des objets circulant à travers le récit — un drapeau, un Louis d’or, un fer à cheval bouillonnant, une machine à vapeur artisanale — comme si l’horizon était celui d’une Révolution industrielle qui tarde à éclore et qui pourrait sauver un monde agraire à bout de souffle. Cet Heimat a en cela quelque chose d’anachronique : sa foi dans l’idée d’un cinéma qui serait l’équivalent des grandes fresques littéraires classiques lui donne un certain panache, mais demande un abandon auquel le spectateur contemporain n’est plus habitué.

Heimat : 1. Chronique d’un rêve ; 2. L’Exode
D’Edgar Reitz (All, 1h47 / 2h08) avec Jan Dieter Schneider, Antonia Bill, Maximilian Schneidt…

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