The Raid 2

En suivant une logique inflationniste — plus long, plus violent, plus grand — cette suite à la très bonne série B de Gareth Edwards — de retour aux manettes — invente une sorte de pornographie de l’action où le scénario n’est qu’une sauce froide et convenue entre deux scènes ultra-spectaculaires. Christophe Chabert

Sorti de nulle part — tourné en Malaisie par un réalisateur gallois — The Raid avait redonné ses lettres de noblesse à un cinéma d’action flirtant avec l’exploitation pure et dure en repartant des fondamentaux du genre : un lieu unique, un scénario simplissime, des combats extrêmement violents et parfaitement chorégraphiés où les coups faisaient mal et où le principe était à la fois celui d’une progression — d’étages en étages, de méchants en méchants jusqu’au boss — et d’une variété des armes employées — pieds et poings, armes blanches, armes à feu. Pour cette suite, Gareth Evans retrouve son héros Rama, qui doit cette fois infiltrer un gang de mafieux avant de le démanteler. Étendu cette fois à l’échelle d’une ville entière — Jakarta — The Raid 2 tente de passer le premier volet au carré, en multipliant les personnages, les lieux et en étirant au maximum les scènes de baston et de fusillades.

On ne discutera pas la virtuosité de la mise en scène : la caméra d’Evans dessine d’hallucinantes arabesques que l’on ne trouve guère que chez Gaspar Noé aujourd’hui, privilégiant la continuité des plans plutôt que le surdécoupage et se déplaçant en défiant les règles de la pesanteur — lors de l’homérique explication dans la boue d’une prison, elle semble toujours se déplacer au ras du sol, mais peut aussi s’envoler pour contourner les barbelés ou décrire d’impressionnantes plongées zénithales au-dessus de l’action.

Le héros absent

Le film ne lésine ni sur l’hémoglobine, ni sur la brutalité des coups — rendus particulièrement intenses par un sound design à la limite du too much — et poursuit son exploration des mille et une façon de mourir, dans un inventaire gore qui tend à l’exhaustivité, aidé par la longueur dantesque du métrage — 2h30. Evans doit cependant bâtir autour de ces morceaux de bravoure une intrigue, et celle-ci s’avère particulièrement confuse. Pas plus que, par exemple, celle d’Outrage de Kitano, qui adoptait une logique similaire d’alliances, trahisons et règlements de compte dont l’issue était qu’il n’y est plus qu’un seul homme debout à la fin. Mais à la différence du maître japonais, Evans s’avère vite empêtré dans une sauce froide de situations convenues, plombées par l’inutile déconstruction initiale, puis par une erreur impardonnable qui en dit long sur la véritable finalité du projet.

Pendant une bonne demi-heure, The Raid 2 abandonne littéralement son héros pour suivre une foule de personnages secondaires, tous là pour apporter leur contribution au catalogue de la violence — la fille aux marteaux ou l’homme à la batte de base-ball, en particulier. Le pire étant que cette absence n’est presque pas handicapante pour le film lui-même, tant Rama est un héros pour lequel on n’éprouve aucune empathie, faible véhicule identificatoire dont on admire plus la puissance physique que la profondeur des conflits intérieurs. Elle révèle surtout la médiocrité d’un scénario auquel on ne comprend pas grand chose mais dont on se fout assez rapidement ; on se contente de subir ces tunnels préparant les explosions à venir.

B-X-Z

En cela, The Raid 2, plus que son prédécesseur, se voudrait l’équivalent des jeux vidéos où les cinématiques apportent une respiration narrative entre deux séquences ludiques. Mais cette structure-là, transposée au cinéma où le spectateur n’est qu’un voyeur, et non un acteur de ce qui se passe sur l’écran, est surtout celle du cinéma pornographique. La promesse de la violence remplace celle du sexe et la multiplication des possibilités la multiplicité des positions. Le film semble le savoir et en jouer ; comment expliquer sinon cette hallucinante dernière réplique où Rama confesse, après un ultime combat de près de vingt minutes : «Je suis vidé» ? Tel un acteur X qui serait venu péniblement à bout de son dixième orgasme, le héros ne peut se résoudre à un ultime effort éjaculatoire / mortel contre de nouveaux adversaires / partenaires. Si The Raid était un film d’exploitation, sa suite est presque la démonstration théorique des liens de cousinage qu’il entretient avec la «sexploitation». De B à Z en passant par X, The Raid 2 ajoute à son inventaire une sorte d’abécédaire du bis en version XXL — des lettres, toujours des lettres…

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