Samba

Retour du duo gagnant d’Intouchables, Nakache et Toledano, avec une comédie romantique sur les sans papiers où leur sens de l’équilibre révèle à quel point leur cinéma est scolaire et surtout terriblement prudent. Christophe Chabert

Alors que le triomphe d’Intouchables leur ouvrait toutes les portes, Olivier Nakache et Éric Toledano ont choisi avec Samba de tracer tranquillement leur sillon. Mais en territoire miné. Car il faut être passablement inconscient pour tourner une comédie romantique sur les sans papiers où une cadre en burn out (Charlotte Gainsbourg) devient bénévole dans une association et s’éprend d’un cuistot en situation irrégulière (Omar Sy). Le plus surprenant étant qu’ils réussissent à le faire sans froisser quiconque alors que le sujet, passionnel, cristallise l’opinion française depuis un quart de siècle.

Exploit ? Pas vraiment, car c’est justement cette méthode, consistant à chercher sans arrêt l’équilibre pour quêter l’unanimité, qui finit par rendre le film agaçant. Le mot méthode n’est pas employé au hasard : Nakache et Toledano ont une manière bien à eux de rassurer le spectateur, de remettre toujours la balle au centre et, finalement, de jouer la carte de la plus grande prudence. Ainsi, chaque fois qu’ils s’approchent un peu trop près d’une situation dramatique — la visite dans le centre de rétention — ils la contrebalancent par un moment de comédie picaresque — l’attitude des employées de l’association face aux immigrés, filmée façon suite de sketchs. Comme si la tragédie des sans papiers ne pouvait être regardée en face et qu’il fallait immédiatement remettre les choses en perspective dans le sens le plus acceptable pour un certain public.

Rien d’étonnant du coup à les voir évacuer l’énorme présupposé érotique provoquant l’attirance de Gainsbourg pour Sy ; non pas pour fuir le cliché, mais pour éviter les questions potentiellement choquantes — pour ça, il y a Lars Von Trier…

Comme une samba triste

Si la première heure de Samba tient à peu près debout, la deuxième, laborieuse, où le personnage de faux Brésilien joué par Tahar Rahim entre en scène, est plombée par son absence de rythme et d’enjeu. Car le cinéma de Toledano et Nakache est avant tout terriblement scolaire. Leur manière de terminer toutes les séquences par une punchline ou une chute en est le meilleur exemple ; le film ressemble du coup à une enfilade de scènes sans liant, presque sécables en autant d’extraits diffusables à la télé. Pas de risque dans l’engagement, ni dans l’écriture, encore moins dans la mise en scène, à l’exception d’un plan-séquence d’ouverture virtuose ; le cinéma du duo n’est pas nul, il est simplement timoré et formaté.

Samba
D’Olivier Nakache et Éric Toledano (Fr, 1h58) avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 26 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers (Ce sentiment de l’été,  Amanda…) en restitue deux : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une fois encore, le prodige de son alchimie teintée...
Mercredi 9 décembre 2020 Nos amis lyonnais du label Jarring Effects glissent sous le sapin le magnifique album  Les Mamans du Congo & RROBIN. Fruit de la (...)
Mercredi 5 février 2020 Le combat de personnages pour pouvoir survivre après la défection de leur public épouse celui d’un père pour rester dans le cœur de sa fille. Beau comme la rencontre fortuite entre Princess Bride et une production Pixar ou dans un film d’auteur...
Mercredi 26 septembre 2018 Chronique de l’existence d’un travailleur sénégalais entre sa famille restée au pays et son parcours en France, Amin marque le retour d’un Philippe Faucon comme “dardennisé“ après le triomphe de Fatima dans une tranche de vie élargie à l’entourage...
Mercredi 3 février 2016 Avec quatre réalisations en dix ans — dont trois depuis juin 2011 — on va finir par oublier que Roschdy Zem a commencé comme comédien. Il aurait intérêt à ralentir la cadence : son parcours de cinéaste ressemble à une course forcenée vers une forme...
Mercredi 29 avril 2015 À partir d’un matériau ouvertement intimiste et psychologique, Wim Wenders réaffirme la puissance de la mise en scène en le tournant en 3D, donnant à cette chronique d’un écrivain tourmenté des allures de prototype audacieux. Christophe Chabert
Mardi 13 janvier 2015 Fatih Akin passe à côté de son évocation du génocide arménien, transformée en mélodrame académique sans souffle ni ampleur, comme si le cinéaste avait été paralysé par l’enjeu. Christophe Chabert
Lundi 14 avril 2014 De Michel Spinosa (Fr, 1h47) avec Yvan Attal, Janagi, Charlotte Gainsbourg…
Lundi 27 janvier 2014 Après Les Beaux gosses, Riad Sattouf monte d’un cran son ambition de cinéaste avec cette comédie sophistiquée, aussi hilarante que gonflée, où il invente une dictature militaire féminine qu’il rend crédible par des moments de mise en scène très...
Lundi 27 janvier 2014 Fin du diptyque de Lars von Trier, qui propulse très haut sa logique de feuilleton philosophique en complexifiant dispositif, enjeux, références et discours, prônant d’incroyables audaces jusqu’à un ultime et sublime vertige. On ose : chef-d’œuvre...
Lundi 23 décembre 2013 Censuré ? Remonté ? Qu’importe les nombreuses anecdotes et vicissitudes qui entourent le dernier film de Lars von Trier. Avec cette confession en huit chapitres d’une nymphomane — dont voici les cinq premiers, le cinéaste est toujours aussi...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X