Walkabout, l'Eden selon Nicolas Roeg

Reprise au Méliès en exclusivité et en copie restaurée de Walkabout, deuxième film de l’Anglais Nicolas Roeg, ou la «promenade» initiatique de deux enfants dans le bush australien, entre fable cruelle, trip sensoriel et quête de l’Eden perdu. Christophe Chabert

Alors qu’il n’a à son actif qu’un seul film — co-signé avec Donald Camell — simple véhicule pour la star Mick Jagger (Performance), Nicolas Roeg décide de quitter son Angleterre natale pour aller filmer une de ses anciennes colonies, l’Australie. Nous sommes en 1971, et le pays est littéralement coupé en deux : les grandes villes peuplées d’anciens colons et le bush occupé par les natifs aborigènes. Soit deux cultures que tout sépare : la langue, les traditions, le mode de vie…

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Walkabout démarre par un montage kaléidoscopique peignant de façon impressionniste la bourgeoise de Sydney : l’urbanité, le monde des affaires, les grands immeubles avec piscine, les écoliers en uniforme… À la faveur d’un étonnant travelling en trompe-l’œil, Roeg raccorde abruptement un mur de brique rouge avec un désert à perte de vue, au milieu duquel se gare une voiture et ses occupants, un père et ses deux enfants, une fille de 16 ans et un garçon de 10 ans. Ils préparent un pique-nique, le gamin part jouer derrière un rocher quand soudain son père sort un revolver et leur tire dessus, les rate et finit par se suicider.

Séquence glaçante que rien n’annonçait ; ce père dépressif laisse donc sa progéniture au milieu de nulle part, sans eau ni nourriture. En chemin, ils vont croiser un adolescent aborigène qui effectue son «walkabout», un rite de passage qui consiste à se perdre dans le désert afin de devenir un homme.

Vierges et désirants

De la survie "contrainte" à celle, volontaire, de ce garçon incarné par David Gulpilil, qui deviendra célèbre ensuite grâce à Peter Weir et Rolf De Heer, qui lui a "offert" son récent Charlie’s country, c’est la promesse d’un dialogue possible, d’une rencontre entre des êtres que tout oppose. Pour Roeg, c’est aussi la possibilité de tendre vers une forme d’Eden, en filmant les animaux comme des créatures mythiques, la nature comme un paysage vierge et immaculé, et les corps comme des creusets de désirs et d’érotismes.

Car qui dit récit initiatique dit éveil de la sexualité, et la mise en scène se charge de traquer ses signes d’un rapprochement entre la blanche et le noir, par-delà le langage. Le scénario, écrit par l’immense auteur de théâtre Edward Bond, fait d’eux des archétypes anonymes, esquissant l’idylle avant de la rayer d’un trait de plume cruel dans une conclusion particulièrement âpre et tragique. Ce qui ne gomme en rien la splendeur du film et la sensation de plénitude sensorielle qu’il procure. La redécouverte de cette œuvre magistrale est donc impérative !

Walkabout
De Nicolas Roeg (1971, Australie, 1h40) avec Jenny Agutter, David Gulpilil…
Au Méliès Saint-François à partir du 26 mars

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