The Duke of Burgundy

The Duke of Burgundy
De Peter Strickland (UK, 2015) avec Babett Knudsen, Chiara d'Anna, ...

Peter Strickland met en scène une fable sado-masochiste au féminin comme un rituel répétitif et fétichiste, faisant écho à sa propre cinéphilie mais aussi à son goût pour les récits clos à tous les sens du terme : un exercice fascinant et, presque par nature, lassant. Christophe Chabert

À une époque indéfinissable et dans un monde où les hommes semblent avoir été bannis, une servante vient quotidiennement rendre visite à sa maîtresse dans une grande bâtisse restée dans son jus des temps victoriens. Le rituel social vire au jeu d’humiliation, mais tout cela n’est qu’un faux-semblant : le vrai rapport qui unit les deux femmes est avant tout érotique et cette mise en scène est celle, longuement préparée, de deux êtres unis par un goût commun pour le sado-masochisme. Quoique, le "commun" est fragile : tandis qu’Evelyn se plaît dans son rôle de dominée, Cynthia désire au contraire que cet amour-là prenne une forme moins extrême et plus conventionnelle.

Peter Strickland articule ainsi son récit, comme une spirale discrète où les différences entre chaque scène sont moins flagrantes que leur répétition. Ce n’est pas le cas seulement pour les séquences entre Evelyn et Cynthia, mais aussi pour ses passages très mystérieux où Cynthia donne des conférences sur les papillons devant un parterre exclusivement féminin — ça et là, le cinéaste dispose quelques mannequins de cire, renforçant l’étrangeté de la situation. En cela, il donne sans doute la meilleure représentation possible du SM au cinéma : un rituel qui n’est palpitant que pour ceux qui le pratiquent.

SM, fétichisme et enfermement

Strickland y ajoute deux données : son propre fétichisme de cinéphile, déjà sensible dans Berberian Sound Qtudio où il rendait hommage aux giallos italiens. Ici, les séries B érotiques des années 70, notamment celles de l’Espagnol Jess Franco, sont dans sa ligne de mire esthétique. L’autre, c’est son goût de la claustrophobie, des histoires en vase clos où l’enfermement est autant physique que moral. Au cœur de The Duke of Burgundy se trouve ainsi une malle, instrument de punition mais aussi de plaisir qui marque l’ultime limite du jeu pervers qu’entretiennent Cynthia et Evelyn.

Ce cocktail-là — SM + fétichisme + huis clos — rend le film peu aimable malgré la beauté de sa direction artistique. Strickland semble lui-même pris au piège de son concept, et attend longuement de pouvoir s’en libérer. Il le fera le temps d’une scène admirable, où son envie d’abstraction et d’expérimentation plastique éclatera à la manière d’un Bergman lors de l’ouverture de Persona. On peut être fasciné par un tel projet, radical et sans concession ; mais de la fascination à la lassitude, il n’y a qu’un pas que The Duke of Burgundy franchit à plus d’une reprise.

The Duke of Burgundy
De Peter Strickland (Ang, 1h46) avec Sidse Babett Knudsen, Chiara D’Anna…

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