Une seconde mère

Une seconde mère
D'Anna Muylaert (Brés, 1h52) avec Regina Casé, Michel Joelsas...

Un nouvel exemple de la vitalité du cinéma brésilien et de son thème récurrent : la lutte des classes dans un pays pris entre archaïsme et modernité.

Val est femme de ménage pour une famille bourgeoise de Sao Paulo, avec qui elle habite vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; elle est même devenue une deuxième mère pour Fabinho, le fils un peu glandeur qui prépare des études d’architecture. Sauf que Val a aussi une fille, Jessica, qu’elle a abandonnée et dont elle se contente de payer les études à distance, mais qui va débarquer dans sa vie — et dans la maison de ses employeurs — chamboulant les règles strictes imposées à sa mère.

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Qu’on ne s’y trompe pas, Anna Muylaert n’a pas choisi la voie du drame social pour évoquer ce qui est le thème principal du nouveau cinéma brésilien, au diapason de la réalité du pays : la lutte des classes persistante malgré le boom de son économie. Une seconde mère oscille entre le rire et les larmes, tirant vers une forme de marivaudage où les valets et les maîtres s’observent, se défient, se mélangent parfois, s’écartent souvent. C’est l’idée principale de la mise en scène : le cadre est souvent découpé en deux, posant une frontière entre chaque partie puis les faisant dialoguer par une théâtralité assumée — Val qui commente cachée dans la cuisine les agissements de la famille — ou par un jeu très malin sur les lieux interdits. Ainsi, la piscine, comme dans le récent Casa Grande, est un enjeu de pouvoir : les pauvres n’ont pas le droit de s’y baigner, et c’est en enfreignant la règle, même poussée par Fabinho, que Jessica trouble définitivement l’ordre précaire qui règne dans la maison.

Ainsi, le père, oisif et visiblement dépressif, ne sera pas insensible à cette jeune fille brillante qu’il juge finalement plus digne de son héritage intellectuel que son propre fils. La mère, en revanche, typique des parvenus brésiliens, est le véritable cerbère de ce monde où l’on ne traite ses vassaux avec humanité qu’à partir du moment où ils sont parfaitement obéissants. Quelque chose doit craquer, suggère Anna Muylaert, mais elle le fait sans sombrer dans le démonstratif, au plus près de ses personnages, en particulier Val, incarnée par Regina Casé, grande actrice de théâtre qui ne laisse pas passer l’occasion de briller au cinéma. Elle est formidable, comme le film tout entier.

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Christophe Chabert

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