Octobre ou La vie aquatique

Panorama ciné / Pas plus pour le calendrier républicain (où il correspond à vendémiaire et brumaire) que pour le zodiaque (l’associant à la balance et au scorpion), octobre n’est en théorie un mois d’eau. Dans les salles de cinéma en revanche, il semble cette année présenter une étrange affinité pour ce précieux liquide…

Les distributeurs auraient-il une idée derrière la tête en programmant autant de films ayant en commun l’eau sous toutes ses formes ? Espèreraient-ils peser sur les conditions climatiques en provoquant par capillarité une météo calamiteuse — laquelle aurait pour conséquence de pousser les spectateurs dans les salles ? Hypothèse saugrenue ? On a vu tellement de stratégies au doigt mouillé que plus rien ne saurait nous étonner…

Les semaines venant de s’écouler ont été inondées de réclames vantant le nouveau Jérôme Salle, L’Odyssée (12 octobre), un biopic retraçant les vies du Commandant Cousteau. Faussement âpre pour ne pas donner l’impression d’une lisse complaisance — eu égard à la personnalité… complexe du bonhomme —, ce livre de belles images aux nombreuses pages arrachées (les ellipses, c’est si pratique) semble avoir été mis à l’eau pour que le dessous de nez de Lambert Wilson ne voie pas filer un énième César. Plutôt que cette hagiographie de “Captain Planet“, on recommandera d’aller découvrir le même jour Captain Fantastic de Matt Ross, où Viggo Mortensen campe un chef de famille survivaliste plus attaché que Cousteau à la nature se lançant dans une odyssée (certes, à pied sec) dans un film ne cessant de s’éloigner des poncifs hollywoodiens. Une très belle surprise. Ce n’est pas le cas de La Fille Inconnue des frères Dardenne (12 octobre également), où Jérémie Rénier se fait doucher et Adèle Haenel rincer. Un coup dans l’eau pour les maîtres belges du cinéma social avec cette histoire sur la culpabilité et la mauvaise conscience, scolaire comme un exercice de débutant. Pas de quoi chavirer ni faire déborder la Meuse.

Loin d’être bateau

L’eau est aussi une barrière, un symbole de séparation. Dans Mercenaire (5 octobre) de Sacha Wolff, brillant premier film sur les désarrois d’un jeune joueur de rugby wallisien envoyé de Nouvelle-Calédonie en métropole par un intermédiaire douteux, c’est l’éloignement initial — et toutes les avanies rencontrées à l’arrivée — qui vont en définitive forger sa personnalité d’adulte et lui permettre de s’affirmer face à un père se réclamant des traditions avec une autorité monstrueuse. Une œuvre épique teintée de thriller, avec de grands personnages, assortie d’un beau portrait du sport et des cultures océaniennes. Pour le charmant Sing Street (26 octobre) de John Carney, l’exil est une menace pesant sur les jeunes Irlandais des années 1980 en proie aux difficultés économiques, prêts à tenter leur chance à Londres. En attendant d’être mûr pour la traversée, Conor se construit une identité musicale pour les beaux yeux de Raphina et crée un groupe de rock. Rappelant par moment The Commitments (1990), ce film nostalgique et pétri de dynamisme — avec une fille ne savant pas nager — est de la plus belle eau.

Qui veut de la glace ?

Mais l’eau en-dessous de zéro ne fait pas que de la figuration sur les écrans : si le trio fantasque d’Apnée (19 octobre) de Jean-Christophe Meurisse barbotte tout nu dans une baignoire, il n’hésite pas à effectuer dans la même tenue du patin à glace — avec des masques de lucha libre, toutefois. Rien de surprenant dans ce film où s’ébat La Compagnie des Chiens de Navarre, un joyeux coq-à-l’âne inégal, où l’on trouve vraiment de tout (du Christ incapable de marcher sur l’eau à la créature velue de Toni Erdmann). Dans L’Attrape-rêves (26 octobre) de Claudia Llosa, l’eau gelée est un souvenir traumatisant, que Cilian Murphy va revivre à cause de Mélanie Laurent et Jennifer Connely dans cette histoire brassant les époques et traitant de pouvoirs de guérison “magiques“. Intrigant, mais pas totalement abouti. Reste la neige duveteuse dont les animaux souhaitent se protéger dans La Moufle, un conte classique figurant dans le programme de courts métrages animés de La Chouette entre veille et sommeil (26 octobre). À force de se tasser dans un petit gant abandonné, les frileux le font éclater et se retrouvent… le bec dans l’eau. Pfff, c’est vrai qu’avec toute cette flotte, on est quand même plus à l’abri au cinéma.

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