Que Dios Nos Perdone : Ainsi saigne-t-il !

Que Dios Nos Perdone / Polar moite au scénario malsain, à l’interprétation nerveuse et à la réalisation précise, le troisième opus de Rodrigo Sorogoyen a tout pour devenir un classique du genre. En attendant, c’est LE grand film à voir dans les salles cet été 2017.

Été 2001. Alors que la canicule assomme Madrid, que les Indignés manifestent, que Benoît XIII est annoncé, des vieilles dames sont violées et massacrées par un tueur en série. Alfaro (une brute épaisse expansive) et Velarde (un cravaté introverti et bègue) sont chargés de l’enquête…

On va bien vite oublier la petite déception de La Colère d’un homme patient, accident de parcours dérisoire dans la récente contribution espagnole au genre polar : ce qu’accomplit ici le jeune Rodrigo Sorogoyen pourrait en remontrer à bien des cinéastes chevronnés — au fait, comment se fait-il que ses deux précédents longs métrages soient encore inédits en France ?! Judicieusement placée dans un contexte historique particulier lui offrant d’intéressants rebonds politiques ou religieux, son intrigue sombre et retorse est peuplée de personnages à plusieurs dimensions : il n’y a pas de simple silhouette, mais de la complexité dans le moindre caractère, de l’ambiguïté à tous les étages, y compris chez les héros. D’ailleurs, la définition de la causalité première du mal se transforme en casse-tête, surtout lorsque l’on constate que le bien n’est pas son symétrique exact.

L’Ibère en plein été

C’est dans l’exercice de la réalisation de Sorogoyen se révèle virtuose. Non seulement à l’occasion de ces morceaux de bravoure que sont les scènes de crimes, la gigantesque course-poursuite (à pied) dans les rues de Madrid ou du duel avec l’assassin — un fabuleux plan-séquence sans artifice numérique, à l’ancienne —, mais dans la gestion de l’ordinaire. Rien n’est gratuit ni superflu : on se trouve face à un auteur sachant manier l’ellipse, penser son cadre et diriger ses comédiens. Devant sa caméra, rien moins que la crème des interprètes ibériques contemporains : l’ubiquiste Antonio de la Torre, dont le rôle va au-delà du périmètre du flic bredouillant, et Roberto Álamo, justement distingué cette année d’un Goya pour sa prestation.

Pour éprouver au mieux l’ambiance poisseuse du film, voire le vivre en parfaite osmose avec ses protagonistes, on conseille d’aller le visionner dans une salle dépourvue de climatisation. Mieux : on le recommande chaudement.

Que Dios Nos Perdone de Rodrigo Sorogoyen (Esp., 2h06) avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Ciro Miró… (sortie le 9 août)

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