"A Ghost Story" : L'âme, nasse fantôme

A Ghost Story
De David Lowery (EU, 1h32) avec Casey Affleck, Rooney Mara...

Comme attaché à la maison où il a vécu ses derniers jours terrestres, le fantôme d’un homme attend quelque chose sans trop savoir quoi, imperméable au temps qui passe. Un Paranormal (in)activity dépouillé et sublimé, à l’intersection entre Gus van Sant et Stanley Kubrick.

Un homme et une femme paraissent filer le plus parfait amour dans leur belle maison. La mort brutale du premier change la donne, et pousse la seconde à quitter les lieux. Pourtant, le fantôme de l’homme persiste à hanter leur demeure commune, dans l’attente d’un hypothétique contact…

Sur le papier, A Ghost Story tient de la chimère. Irréductible à un genre, irrespectueux des codes, ce film fantastique ET sentimental à l’ascétisme radical semble s’ingénier à se saborder : minimalisme assumé, refus des effets spéciaux attendus, recours à une représentation du fantôme plus que désuète, car usée jusqu’à la trame et risible — le vieux drap troué de deux orifices pour les yeux ! —, occultation totale du comédien principal pendant plus d’une heure (Casey Affleck, pourtant dernier récipiendaire de l’Oscar), quasi mutisme des personnages… Et pourtant. À force de clichés détournés, d’extrémisme narratif et de paris insensés, David Lowery atteint une étrangeté poétique fascinante.

Melo-drap-ma

Confiant l’instance narrative à un être sans réelle “essence”, il donne cependant une vision incarnée, une existence bouleversante à cette entité impalpable prisonnière d’un lieu physique, de ses souvenirs oblitérés et des strates du temps. Il faut de l’habileté pour suggérer la souffrance d’un personnage, sans qu’il puisse s’exprimer ni montrer ses expressions faciales — à peine marque-t-il quelques hochements de linceul et échange-t-il trois signes avec un·e congénère voisin·e. Il faut également de l’audace pour offrir, à l’instar de Kubrick dans Shining ou 2001, un dénouement énigmatique laissant avec des questions, plutôt qu’avec des réponses toutes faites.

Un dernier mot pour la bande originale. Signée Daniel Hart, le compositeur habituel du cinéaste, elle est l’une des des plus remarquables de l’année par son ambition lyrique, mélodique, élégiaque — des critères singulièrement absents dans le flot des partitions ordinaires. Sachant qu’elle joue un rôle de lien mémoriel, et donc de parole durant l’essentiel du récit, sa réussite était capitale ; il serait donc incompréhensible qu’elle ne fasse pas de bruit dans les semaines qui viennent…

A Ghost Story de David Lowery (E.-U., 1h32) avec Casey Affleck, Rooney Mara, McColm Cephas Jr.… (20 décembre)

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