Lundi 14 mars 2022 Après y avoir déjà présenté en avant-première "Pour Elle" et "À bout portant", Fred Cavayé avait réservé l’exclusivité de son nouveau film "Adieu Monsieur Haffmann" au Festival de Sarlat. Bien lui en a pris : son drame se déroulant durant...
Daniel Auteuil : « Rêver sa vie, c'est un peu comme mener une rechercher poétique »
Par Vincent Raymond
Publié Jeudi 26 avril 2018 - 1417 lectures
Amoureux de ma femme
De Daniel Auteuil (Fr, 1h24) avec Daniel Auteuil, Gérard Depardieu...
Amoureux de ma femme / C’est sur les terres de sa jeunesse avignonnaise, lors des Rencontres du Sud, que le réalisateur et cinéaste Daniel Auteuil est venu évoquer son nouvel opus, Amoureux de ma femme. Le temps d’une rêve-party…
Le scénario est adapté d’une pièce de Florent Zeller que vous avez jouée. Y a-t-il beaucoup de différences ?
D.A : Ah oui, il est très très librement adapté ! On a beaucoup parlé : je lui ai raconté à partir de la pièce de quelle genre d’histoire j’avais envie. Je voulais parler des pauvres, pauvres, pauvres hommes (rires), et de leurs rêves, qui sont à la hauteur de ce qu’ils sont. Certains ont de grands rêves, d’autres en ont des plus petits. Et puis il y avait l’expérience de cette pièce, qui était très drôle et qui touchait beaucoup les gens. Mon personnage est un homme qui rêve, plus qu’il n’a des fantasmes. Un homme qui, au fond, n’a pas tout à fait la vie qu’il voudrait avoir, peut-être ; qui s’identifie dans la vie des autres.
Le cinéma vous permettait-il davantage de fantaisie ?
La pièce était en un lieu unique et était très axée sur le verbe, sur le texte. Une grande partie était sur les pensés, les apartés. Ici, c’est construit comme un film : le point de départ était cette idée de rêve et tout ce qu’on pouvait montrer. Que les rêves, ressemblent à la réalité du film et que peu à peu les spectateurs ne sachent plus s’ils étaient dans la vraie vie ou dans le rêve… L’idée qu’ils puissent se perdre.
On a l’impression que vous essayez de nous perdre…
Oui c’est ça, c’était le but. De vous prendre par la main, et puis de vous lâcher. Le montage a été important mais techniquement, j’ai utilisé des plans séquences dans le film. J’aime bien cette idée de faire jouer les gens le plus longtemps possible, en les suivant avec la caméra, en m’approchant, en faisant des gros plans… J’ai aimé ce rythme là. J’ai inversé quelques parties de rêves pour les avancer, les déplacer un peu. C’est à la fois un film rythmé, serré, mais qui laisse le temps aux acteurs de jouer.
Votre personnage use de nombreuses stratégies pour annoncer une vérité dérangeante à son épouses…
Alors j’ai joué plusieurs rôles comme ça dans ma vie. J’ai joué un menteur qui finit mal c’est L’Adversaire. Depuis ce rôle-là, je n’ai plus jamais menti de ma vie. Jean Claude Romand — je ne sais pas s’il est sorti de prison ou pas — est un des rôles les plus difficiles que j’ai eus à jouer. Je n’ai joué que son incapacité à affronter la réalité, alors qu’il avait la capacité de devenir tout ce qu’il a rêvé. Le jour de son examen par exemple…
C’est un rôle qui vous a vraiment marqué…
Oui c’est un rôle, mais aussi quelqu’un qui existe, qui fait sa vie, qui la refait. C’est pour moi quintessence de la tragédie la plus terrible. Par incapacité de soi-même, de se réaliser, on détruise les autres. C’est horrible. Mais bon…
Vous semblez vouloir affirmer une différence marquée entre rêve et le fantasme…
Oui, j’insiste. Mon personnage est un rêveur plus que quelqu’un qui fantasme. Il n’a pas besoin de fantasmer plus que ça, mais cela dit la barrière entre rêve et fantasme elle est ténue. Mon personnage est d’avantage un poète rêveur envieux de la vie des autres que quelqu’un qui est dans le fantasme. Rêver sa vie, c’est un peu comme mener une rechercher poétique ; c’est une façon de la fuir. Et fantasmer, c’est prendre un chemin pour aller accomplir quelque chose, c’est un but. C’est ça, la différence.
Vous êtes-vous nourri du cinéma d’autres réalisateur ayant déjà exploré ces frontières ?
Parmi mes références, j’ai eu beaucoup eu Cet obscur objet du désir de Buñuel (mais en version légère), Almodovar, aussi. J’aime également le cinéma de Renoir, sa façon de filmer les gens dans les mouvements. Ou Le Magnifique, quand Bébel est romancier et qu’il invente sa vie… Il n’est pas dans le fantasme, il est dans le rêve. Il est emporté par son rêve — et moi aussi d’ailleurs. Mais il a beaucoup de chance parce qu’il a tellement d’imagination, il vit tellement tout jusqu’au drame…. Il me fait de la peine, quand même, parce que il est tellement content de ne pas avoir fait ce qui est arrivé…
Le rôle d’un acteur, finalement, n’est-ce pas de rêver ?
Toujours, toujours… C’est une vie aussi rêvée : ce tournage, ce film, ces rencontres… Un tournage c’est une bulle, c’est un moment privilégié où bien sur j’ai des responsabilités. Mais j’ai réussi à être léger sur ce film. Je me parle beaucoup à moi-même maintenant, et effectivement je l’ai rêvé ce film. Pour faire un film aujourd’hui, il faut se battre. C’est compliqué. Et au fond, c’est l’atterrissage du rêve qui se fait en douceur avec vous. D’avoir imaginé des choses et de voir que ça a pénétré un peu. C’est Sautet qui me disait : « écoute, l’amour c’est un rêve, c’est un songe, alors, quitte à que ce soit un songe, autant que ça le reste et que ça se termine bien. »
C’était toujours compliqué de faire un film, même quand on s’appelle Daniel Auteuil et qu’on a Gérard Depardieu avec soi ?
Aujourd’hui c’est plus difficile, oui. Parce que y en a beaucoup. On l’a fait, ce n’est pas la question. Mais c’est compliqué.
Et être réalisateur, est ce que c’est être encore plus rêveur ?
Il faut rêver à tout !
Vous continuez à rêver toujours ?
Oui, tout le temps. Et c’est épuisant.
Quand vous arrêtez-vous de rêver ?
Je crois que c’est le jour où je vais arrêter de boire, de manger, de respirer.
Quel rêve n’avez-vous pas encore réalisé ?
Il y en a pleins, sûrement. Mais je dois dire, puisqu’il faut être raisonnable, je citerais Diderot quand il dit : « encore 30 ou 40 ans de cette vie imparfaite et c’est parfait ».
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Lundi 7 mars 2022 Parmi les premiers longs métrages présentés lors du dernier festival de Sarlat figure celui de Constance Meyer, Robuste, qui met face à face un Depardieu presque autobiographique face à une Déborah Lukumuena peu impressionnée. Deux acteurs colossaux...
Jeudi 20 janvier 2022 Portrait inattendu et délicat d’une apprentie comédienne sous l’Occupation rempli d’éclats autobiographiques discrets, le premier long métrage de Sandrine Kiberlain est surtout un exceptionnel exercice de réalisation. Rencontre avec une jeune...
Lundi 15 novembre 2021 Pascal Elbé signe une charmante rom-com dans laquelle il campe un prof tombant des nues en se découvrant malentendant et amoureux de sa voisine interprétée par Sandrine Kiberlain. Un regard original sur l’ouïe défaillante, entre autres handicaps...
Mercredi 19 mai 2021 Adapté du roman de Laurent Mauvignier, Des hommes rend justice à toutes ces victimes de la Guerre d’Algérie payant les intérêts de décisions “supérieures“ prises au nom des États. Et s’inscrit avec cohérence dans la filmographie du...
Mardi 5 novembre 2019 De Nicolas Bedos (Fr., 1h55) avec Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier…
Mardi 4 juin 2019 Histoire d’amour en forme rupture, d’un deuil effectué du vivant de l’un des amants ; mariage d’une comédie sentimentale et d’un mélo, d’un drame réaliste et d’un film expérimental, L’Autre continent allie les contraires. Explications avec le...
Jeudi 21 mars 2019 De José Alcala (Fr., 1h30) avec Daniel Auteuil, Catherine Frot, Bernard Le Coq…
Mercredi 13 mars 2019 Enfant de la balle dont les deux parents sont cinéastes, Thaïs Alessandrin est à la fois. l’inspiratrice et l’interprète principale du nouveau film de sa mère Lisa Azuelos. Un premier “premier rôle“ dont elle s’acquitte avec un beau naturel. Normal...
Mercredi 13 mars 2019 De Lisa Azuelos (Fr., 1h27) avec Sandrine Kiberlain, Thaïs Alessandrin, Victor Belmondo…
Mardi 11 décembre 2018 Le prolifique Guillaume Nicloux a mené Gaspard Ulliel aux tréfonds de la jungle et de l’Histoire pour ce qui pourrait être un prélude français à Apocalypse Now. Rencontre en tête à tête avec un réalisateur qui compte.
Mardi 11 décembre 2018 de Guillaume Nicloux (Fr., 1h43) avec Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Gérard Depardieu…
Mardi 11 décembre 2018 de Jeanne Herry (Fr., 1h47) avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez…
Mercredi 5 septembre 2018 de Erick Zonca (Fr., 1h54) avec Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain…
Jeudi 26 avril 2018 de et avec Daniel Auteuil (Fr., 1h24) avec également Gérard Depardieu, Sandrine Kiberlain, Adriana Ugarte…
Mercredi 14 mars 2018 de Sophie Fillières (Fr., 1h35) avec Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud…
Mardi 21 novembre 2017 de Yvan Attal (Fr., 1h35) avec Daniel Auteuil, Camélia Jordana, Yasin Houicha…
Mercredi 18 mai 2016 de Pedro Almodóvar (Esp., 1h36) avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao…
Mercredi 16 mars 2016 Critique du film Au nom de ma fille de Vincent Garenq (Fr, 1h27) avec Daniel Auteuil, Sebastian Koch, Marie-Josée Croze…
Mercredi 9 mars 2016 Le millésime 2016 des plus illustres cinéastes grolandais est arrivé, et il n’a rien d’une pochade : derrière son nez rouge de clown, Saint Amour dissimule une histoire d’amour(s) tout en sobriété.
Mercredi 27 janvier 2016 De Benoît Graffin (Fr., 1h33) avec Sandrine Kiberlain, Édouard Baer, Bulle Ogier…
Mardi 16 juin 2015 De Guillaume Nicloux (Fr, 1h32) avec Gérard Depardieu, Isabelle Huppert…
Mardi 9 juin 2015 Bruno Podalydès retrouve le génie comique de "Dieu seul me voit" dans cette ode à la liberté où, à bord d’un kayak, le réalisateur et acteur principal s’offre une partie de campagne renoirienne et s’assume enfin comme le grand cinéaste populaire...
Lundi 25 novembre 2013 À défaut de convaincre, le troisième film de l’écrivain Philippe Claudel intrigue. Ce drame où un chirurgien du cerveau, marié à une femme qui passe ses (...)
Lundi 14 octobre 2013 De et avec Albert Dupontel (Fr, 1h21) avec Sandrine Kiberlain, Nicolas Marié…
Mardi 12 mars 2013 De Christian Duguay (Fr, 2h10) avec Guillaume Canet, Marina Hands, Daniel Auteuil…
Vendredi 21 décembre 2012 De Jean-Pierre Améris (Fr, 1h33) avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin, Christa Theret…
Mercredi 17 octobre 2012 Passant après le calamiteux épisode Langmann, Laurent Tirard redonne un peu de lustre à une franchise inégale en misant sur un scénario solide et un casting soigné. Mais la direction artistique (affreuse) et la mise en scène (bancale) prouvent que...