Février : Ailleurs, toutes !

Panorama ciné / Un fidèle lecteur (que l’on salue) s’étonnait le mois passé de la surreprésentation du cinéma français dans notre panorama. Hasard ou coïncidence, février bascule dans l’excès inverse…

Feignons hypocritement la surprise comme si l’on s’ébaubissait de la floraison annuelle du marronnier à fleurs rouges : les vingt-huit jours de février débordent de films de qualité majoritairement anglo-saxons… pile le mois où Hollywood décerne ses bons points. Si vous savez additionner deux et deux, vous comprenez que les studios font d’une pierre deux coups en calant sur cette période dorée les sorties extra-étasuniennes : campagne pour les Oscar, BAFTA etc. et promo européenne sont ainsi mutualisées ; en retour les films capitalisent en notoriété sur les citations et/ou distinctions reçues. Résultat : un embouteillage de séquoias occultant, parfois, de jolies forêts. Débroussaillons un peu tout cela, car il n’y a pas que les excellents La Favorite et Vice dans le mois !

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Au sud de Rio Grande

La récente poussée des membres de la trinité mexicaine Iñarritu/Cuarón/del Toro ne doit pas oblitérer leurs compatriotes, actifs depuis au moins autant longtemps qu’eux dans le milieu. Tel le polyvalent Robert Rodriguez, qui signe après Sin City une nouvelle adaptation de BD : Alita : Battle Angel (13 février), manga futuriste de Yukito Kishiro. On reconnaît dans cette version 2.0 de Pinocchio — où la marionnette serait une cyborg et son Gepetto un traqueur de criminels — l’empreinte du producteur James Cameron : perfection formelle absolue des images, la rigueur du récit, spectaculaire immersif (les courses en motorball ne déchirent pas : elles dévissent), distribution soignée… On tient peut-être un pendant à Blade Runner, en moins métaphysique, mais tout aussi plausible dans l’extrapolation technologique et sociale : il y est question d’une implacable frontière séparant les privilégiés de la masse grouillante. Presqu’un mur, mais horizontal…

Plus contemporain, Carlos Reygadas compose un grand film intime aux allures auto-fictionnelles. Dans Nuestro tiempo (6 février), le cinéaste campe un poète-ranchero libre de mœurs en théorie mais acceptant mal que sa femme entame une liaison avec un dresseur de chevaux, devenant de ce fait voyeur et piètre manipulateur. Œuvre ample allant au-delà du marivaudage étriqué qu’induirait un décor haussmannien, Nuestro Tiempo profite de ses “marges“ et notamment de sa longue exposition pour raconter en une fresque subtile, l’universelle (et éternelle) complexité des rapports entre les sexes, à tous les âges de la vie.

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Plus au sud encore, l’Argentin Gastón Duprat dépeint "l’amitié chien et chat" entre un peintre passé de mode et son galeriste, lequel ne sachant plus quoi faire pour le remettre en selle. Pétillante comédie policière, Un coup de maître (6 février) tourne en ridicule les fats, les spéculateurs et les imbéciles pullulant dans le monde de l’art. Et nous oblige surtout à reconsidérer l’image que l’on se fait des protagonistes. C’est aussi l’un des enseignements du film et sa leçon inaugurale : prendre le temps de contempler une œuvre pour la saisir dans sa globalité. Sa vérité (et ses mensonges) n’apparaissent que dans le temps.

Un peu plus à l’est

Mats Grorud s’est livré à un exercice peu banal dans Wardi (27 février) : raconter le destin d’une famille palestinienne vivant dans le camp libanais de Bourj el-Barajneh depuis la Nakba, — c’est-dire la “catastrophe“, lorsque nombre de Palestiniens furent contraints à l’exil en 1948 par la création d’Israël. Un récit au fil des générations en animation, alternant des séquences avec des marionnettes en stop motion et d’autres au dessin volontairement naïf. Politique, comme l’était Valse avec Bachir, et complémentaire.

Zhangke Jia nous incite à poursuivre le voyage en Extrême-orient en compagnie de l’héroïne de Les Eternels (Ash is purest white) (même date). Se déployant sur une dizaine d’années significatives marquant l’évolution de la Chine (et évoquant au passage sa marotte, la construction du barrage des Trois-Gorges), cette histoire raconte le destin de Quiao, amie d’un caïd de Datong, faisant de la prison à sa place, mais se trouvant rejetée à sa libération : les anciens bandits étant devenus des notables. Quiao, quant à elle, va s’en tenir aux préceptes du milieu… Une leçon d’éthique paradoxale et encensant des truands parce qu’ils sont respectueux d’un code, et vitupérant les opportunistes vendus à un État qui n’a rien perdu de sa terrifiante omnipotence. Pas de doute, on est dépaysé…

Par le fond

Voyageons pour finir au cœur du plus grand continent terrestre : l’Océan, avec Le Chant du loup (20 février) d’Antonin Baudry — le scénariste de la BD Quai d’Orsay. Thriller de guerre pour temps de tensions multipolaires, ce combat naval entre sous-marins chargés jusqu’à la gueule de têtes pour certaines connues (Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz), pour d’autres nucléaires, confirme François Civil parmi les jeunes comédiens avec lesquels il faut impérativement compter. À voir solidement accroché à son fauteuil, les oreilles grandes ouvertes. Claustrophobes s’abstenir.

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