Emilie Fontaine : photosensible

Portrait / Originaire de Saône-et-Loire, la jeune photographe Emilie Fontaine vient d’ouvrir les portes d’un nouveau lieu dédié à l’image fixe, au cœur de l’hyper-centre stéphanois. Rencontre avec une femme passionnée qui fait fi d’un contexte morose en mal de bonnes nouvelles.  

Après seulement une dizaine d’années de pratique professionnelle dans la ville de Mâcon, Emilie Fontaine vient de poser ses valises dans un tout nouveau studio sous les Arcades de l’Hôtel de ville. Le local a été habilement aménagé et décoré avec goût, laissant entrevoir les différentes cordes de la maîtresse des lieux. L’offre de services s’étend du portrait-studio au reportage de terrain, en passant par la communication visuelle pour les entreprises, également assortie d’ateliers proposés aux enfants, aux ados et aux adultes. Organisée en plusieurs espaces fonctionnels et peuplée de matériel photographique (des appareils, des éclairages, un agrandisseur …), la boutique est un bel endroit où l’on se sent à l’aise dès les premiers instants. Tout sourire, Emilie ne cache pas la joie que lui procure ce nouveau challenge. Car le parcours de la jeune femme est avant tout l’histoire d’une reconversion réussie. Aide-soignante au centre hospitalier de Mâcon pendant dix ans, Emilie a profité d’une mise en disponibilité pour reprendre des études, se former à la photographie et préparer son virage professionnel. « Mon travail en service de réanimation était à la fois riche et difficile, très protocolaire. En fait je crois que j’aimais trop mon boulot, j’étais même arrivée à un point où j’en avais marre de parler ! J’avais besoin d’autre chose et je suis arrivée à la photo totalement par hasard, lorsque je me suis pris d’amour pour un appareil photo que l’on m’avait offert. » Après un CAP préparé de façon accélérée au sein l’atelier Magenta à Villeurbanne, l’étudiante complète son cursus par huit mois de formation à l’INA (Institut national de l’audiovisuel), à Bry-sur-Marne. Pari réussi, Emilie a trouvé sa nouvelle voie, le nouveau medium qui lui permettra de vivre pleinement et d’exprimer avec force son intérêt profond pour l’humain. Car si la pratique photographique peut être perçue comme un processus solitaire, elle est au contraire un déclencheur de rencontres.

Chaque histoire à raconter est comme une pépite que l’on a entre les mains, c’est très excitant et en même temps cela met une vraie pression.

Immersion

Emilie Fontaine ouvre alors à Mâcon son premier atelier, travaille tout d’abord sur des projets photographiques auprès d’établissements scolaires, puis, confortant sa fibre sociale et aiguisant son regard humaniste, enchaînera assez vite des reportages au plus près des soignants, des pompiers du SDIS 71 ou encore de la Police nationale. « Pour ce genre de travail, j’ai besoin au préalable de plusieurs journées d’immersion, sans appareil photo. Cela me permet d’observer mais aussi de me fondre dans le décor, de me faire un peu oublier avant de commencer à photographier. » Toujours à la recherche de la bonne distance avec son sujet, Emilie privilégie l’utilisation du 28mm qui embrasse la scène dans laquelle elle s’implique physiquement, mais aussi du 50mm, longueur focale réputée être la plus proche de la vision humaine. « Chaque histoire à raconter est comme une pépite que l’on a entre les mains, c’est très excitant et en même temps cela met une vraie pression. À chaque fois le sentiment de pudeur est bousculé par une folle envie d’aller au front ! Pour autant je ne cherche pas à dénoncer, je veux avant tout montrer pour questionner. » Une fois les prises de vues terminées, la photographe réalise un long travail d’editing, conservant le plus souvent le cadrage orignal de ses images, avant de partager ses travaux sur internet sous la forme de web-reportages dans lesquels la dimension sonore prend une place grandissante. « J’essaie de garder du temps et de l’énergie pour réaliser au moins un reportage de ce type chaque année, que ce soit une commande ou un projet auto-produit. Cela demande une certaine organisation familiale, un soutien logistique mais aussi moral. » Sans être une féministe militante, la jeune maman n’en est pas moins une femme de convictions. « J’ai grandi dans un milieu rural où les garçons faisaient du foot et les filles de la danse ! J’assume qu’être une femme-photographe demande parfois de savoir s’imposer sans sourciller. D’ailleurs, je pense que la journée des droits des femmes n’aura de sens que le jour où elle n’aura plus lieu d’être ! »

Être une femme-photographe demande parfois de savoir s’imposer sans sourciller.

« Je suis très agréablement surprise par l’accueil des Stéphanois. »

Certains reportages réalisés par Emilie ont donné naissance à un livret, comme lors d’un travail effectué dans les ateliers de l’entreprise bourguignonne Le Laboureur. Avec Les couturières, la photographe dresse le portrait très touchant d’ouvrières du textile, dont les doigts de fées perpétuent un précieux savoir-faire made in France. Avec son reflex numérique Nikon, Emilie jongle avec justesse entre la couleur et le noir & blanc. Très admirative des images du photographe de guerre américain James Nachtwey, elle se rend chaque année au Festival International du Photojournalisme Visa pour l’image, qui se tient chaque fin d’été à Perpignan. Mais c’est à Saint-Étienne qu’elle poursuivra sa carrière photographique, accompagnant son mari venu travailler un peu plus tôt dans la ville verte. « Je suis très agréablement surprise par l’accueil des Stéphanois, les gens sont prévenants, très à l’écoute. Ce sont pour moi des conditions très encourageantes pour la suite. »

Tout en prenant ses marques dans sa ville d’accueil, la photographe poursuit plusieurs projets en cours, dont Le chemin, un web-doc intercatif sur l’hôpital et les EHPAD de Mâcon au temps du COVID-19, ou encore Empreinte, un travail intimiste autour de notre identité visible et émotionnelle dont l’appel à participants est toujours en cours sur son site internet. La néo-Stéphanoise avoue envisager son travail au jour le jour, sans tirer de plans sur la comète. « Je n’ai pas vraiment de projets à long terme, je préfère prendre les choses comme elles viennent. Je reste à cent pour cent dans l’instant présent car c’est là que nait souvent le projet d’après. Je me tiens prête à toute éventualité. Peut-être que dans dix ans je serai même passée à autre chose, qui sait ? » Emilie Fontaine est assurément une femme pétillante qui n’a pas froid aux yeux, s’inscrivant tout à fait dans la réflexion qu’exprimait ainsi l’éminent photoreporter Marc Riboud : « photographier, c'est goûter la vie, chaque centième de seconde, intensément. »

Emilie Fontaine, 24 rue du Président Wilson à Saint-Étienne, journée portes ouvertes ce samedi 27 mars de 10h a 17h30

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