Nicolas Hoste : «Tout doit être organisé en amont »

Garant du bon déroulement du concert, tant d’un point de vue technique que de celui de la sécurité, le directeur technique se doit d’anticiper les moindres problèmes. Rencontre avec Nicolas Hoste, directeur technique du Fil. Propos recueillis par Marlène Thomas

Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
Nicolas Hoste :
Au début, j’étais apprenti pâtissier et parallèlement, je jouais dans un groupe. Finalement, je me suis rendu compte que ce n’était pas ma voie, j’ai donc opté pour le métier de technicien son en 1987. Pour cela, j’ai suivi une formation généraliste son, lumière et régie plateau à Lyon pendant six mois. J’étais un des premiers à bénéficier d’une formation professionnelle qualifiante dans le monde du spectacle. Pendant une vingtaine d’années, j’ai exercé le métier de régisseur son pour des groupes nationaux comme Les Innocents, Thomas Fersen, Les Têtes Raides, mais aussi, pendant quatre ans pour Cesaria Evora, à l'international. En plus de cela, je m’occupais d’enregistrements studio et travaillais avec des compagnies de théâtre stéphanoises. Quand le projet du Fil s’est concrétisé, j’ai postulé au poste de directeur technique. Ce projet me tenait à cœur depuis longtemps car j’ai fait partie des personnes ayant milité pour sa création. Quitter le statut précaire de l’intermittence pour un CDI dans une salle que j’espérais de mes vœux était une bonne opportunité. Il y a tout de même des frustrations car je fais moins d’artistique et plus d’administratif, mais c’est le prix à payer pour avoir une certaine sécurité de l’emploi. De plus, les horaires de tournée sont harassants, tu te lèves à onze heures, tu te couches à quatre heures du matin, tu changes de ville tout le temps, tu n’as pas beaucoup de vie de famille. Ce n’est pas simple. Je pense qu’il y a un âge où cela devient plus difficile et où il faut laisser la place aux jeunes.

Quel est le rôle du directeur technique ?
Il a deux fonctions principales : la première, essentielle, est celle de s’occuper du bon déroulement du concert, de faire en sorte que tout se passe dans de bonnes conditions pour les artistes, les techniciens, le public et ce en toute sécurité. Sa deuxième casquette est de rendre le bâtiment fonctionnel et agréable pour l’ensemble des salariés. Le régisseur général, de son côté, ne s’occupe que de la production de spectacles. Bien que la partie la plus importante de mon travail est de faire en sorte que tout se passe bien durant le concert, je ne suis pas obligé d’y être. Tout doit être organisé en amont pour que, sans que je sois présent, tout fonctionne. Un directeur technique a réussi son travail lorsque personne n’a besoin de lui durant la représentation, cela signifie que tout a bien été anticipé. En amont, il faut choisir les techniciens et réserver leurs plannings, réserver le matériel si besoin est, s'occuper de la sécurité, de l’accueil, du ménage. Il faut également éplucher les fiches techniques des groupes pour voir s’il y a des demandes particulières en termes de sécurité, je pense aux lasers. Nous devons aussi nous mettre en relation avec les régisseurs généraux embauchés et aborder les points particuliers lors de réunions de travail. Il n’est physiquement pas possible de participer à chacun des concerts. J’essaie d’en faire quelques-uns, pour plusieurs raisons. D’une part parce que le contact avec la scène est essentiel pour moi, d’autre part afin de pouvoir jauger la qualité du travail des équipes et cerner les points à améliorer. Mon métier initial étant celui de régisseur son, il m’arrive assez régulièrement de m’occuper de la régie afin d'alléger les charges de fonctionnement de la salle.

Les demandes [des groupes] sont parfois ubuesques.

Vous vous occupez également de rédiger la fiche technique de la salle ?
Trois mois avant le concert, il y a des échanges de mails avec le tourneur des groupes et les permanents du Fil. Ils nous sollicitent pour les fiches techniques, l’hébergement, le repas... Nous nous répartissons ensuite les tâches. Le régisseur général rentrera ensuite dans les détails et s’assurera que tout est conforme. J’ai un rôle de supervision là-dessus. Sur la fiche technique des artistes, nous trouvons tout ce qu’ils souhaitent avoir, nous devons d’ailleurs souvent réduire leurs ambitions. Nous y trouvons les besoins techniques concernant le son, la lumière, le personnel nécessaire puis, tout un tas de choses sur ce qu’ils aimeraient manger, ce qu’ils aimeraient avoir dans les loges, le nombre d’invitations, le parking, etc. Nous appelons cela des rider et ceux-ci peuvent parfois compter une dizaine de pages pour les grands groupes. Nous adaptons ensuite leur demande à ce que nous estimons correct de fournir car les demandes sont parfois ubuesques. Par exemple, nous avions eu une demande de boîtes de nourriture pour chats... La fiche technique du Fil se divise en deux parties, une pour chaque salle. Là nous sommes vraiment dans la technique pure, la dimension de la scène, la position des ponts, le nombre de projecteurs de tel type, les consoles, les micros, le détail des loges etc. Souvent, les groupes sont accompagnés de leurs techniciens. Les nôtres ne font donc pas le spectacle, ils sont là seulement pour accueillir le technicien en tournée. C’est ce que j’ai vécu pendant vingt ans, je tournais avec les groupes et un technicien local venait m’accueillir, me présentait le matériel, faisait les branchements. Dans ce métier, on travaille toujours en binôme, celui qui connaît la salle et celui qui connaît les désirs du groupe. Il arrive que certains groupes n’aient, par exemple, pas d’éclairagiste ou de sonorisateur, dans ce cas ils prennent le relai. Certains ont même les deux casquettes, ils partent en tournée et reviennent durant les périodes de creux pour accueillir leurs homologues.

Vous gérez aussi la sécurité ?
C’est moi qui m’en occupe. Je suis ce qu’on appelle un R.U.S (Responsable Unique de Sécurité), c’est une délégation de pouvoir de mon directeur. Je suis aussi le correspondant de la sécurité du bâtiment pour la ville. Les normes pour les ERP (Établissement Recevant du Public) sont draconiennes depuis des années, elles ont évolué à la suite de catastrophes. C’est de là que sont arrivées, par exemple, les portes anti-paniques. Des personnes s’étaient retrouvées coincées dans des tourniquets et s’étaient écrasés les uns contre les autres à cause de la panique. Nous n’avons jamais eu de problèmes au Fil et nous nous sommes entrainés avec les pompiers au cas où un souci se présenterait. Notre personnel est également formé assez régulièrement à la manipulation des extincteurs. Nous pouvons compter sur eux. En plus de cela, un service de sécurité incendie externe vient à chaque concert pour compléter mes missions. Des agents de contrôle parachèvent ce dispositif, afin d’encadrer le public et gérer les débordements.

Je suis ce qu’on appelle un R.U.S. (Responsable Unique de Sécurité)

Avez-vous des projets ?
Je développe avec des collègues ingénieurs du son, un studio d’enregistrement, Ohmnibus Studio. Nous avons pour ambition de devenir un important studio professionnel avec des grandes pièces de prise de son pouvant accueillir des petits ensembles de musique classique, de musique contemporaine, de jazz, avec une régie aux normes internationales. C’est un projet ambitieux que nous développons en parallèle de nos activités professionnelles. Nous avons repris la gestion d’un projet qui avait été commencé par une autre entreprise. Ce projet est en perpétuelle création. Mais tout cela prend du temps, nous faisons cela le soir après le travail ou durant nos congés.

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