Les Italiens sont des grands veaux

On continue avec l’Institut Lumière ce beau Voyage en Italie : étape de la semaine, "Les Vitelloni" de Fellini, à l’époque où le maestro n’avait pas encore largué les amarres du réalisme et livrait une chronique douce-amère de la jeunesse italienne. CC

Et si Fellini était non seulement un formidable inventeur de mondes fantasmés, un marchand d’imaginaire personnel touchant malgré tout à l’universel, mais aussi l’inventeur secret de la comédie à l’italienne ? En revoyant Les Vitelloni, tournés en 1953, au tout début de la carrière du maestro, on s’aperçoit qu’on y trouve déjà ce mélange de rire et de gravité qui fera le succès, quelques années plus tard, de Dino Risi, Ettore Scola ou Mario Monicelli. Fellini met en scène un groupe de jeunes oisifs vivant dans une station balnéaire aux alentours de Rome. Leur vie n’a rien de reluisant (mauvaises histoires de coucherie, beuveries jusqu’au petit matin, désir d’ailleurs alors que l’on a les pieds englués dans le ciment…), mais le cinéaste refuse de les juger, et crée une empathie totale avec ses Vitelloni (littéralement, les «grands veaux»). On rit, beaucoup et souvent, mais c’est bien la mélancolie, terrible, qui l’emporte à la fin, inoubliable.

La grande évasion

Fellini a vécu ses années de formation à la mise en scène à l’apogée du néo-réalisme italien — il était le scénariste de Rossellini pour Rome ville ouverte et Paisa. Les Vitelloni en témoigne, puisque le film reste solidement accroché à une peinture sociale placée sous le sceau du réalisme. Mais on sent pointer déjà, à l’image, l’envie de s’en éloigner, de s’échapper par le style vers l’imaginaire. C’est le cas lors de la séquence du carnaval, où la tentation baroque de Fellini est manifeste, même si le cinéaste n’en est pas encore à larguer les amarres, et utilise cet instant de fièvre comme un révélateur des frustrations de ses personnages, englués dans leur quotidien. Les trois films suivants de Fellini (Il Bidone, La Strada et Les Nuits de Cabiria) vont lentement accentuer cette prise d’indépendance. Mais c’est bien La Dolce Vita qui, au cœur même de l’œuvre, accomplit la mue fellinienne. Guido, le paparazzi romain incarné par Mastroianni, est un Vitelloni qui aurait réussi socialement, mais qui aurait gardé le même appétit pour une vie légère et superficielle. Au fil de son errance dans l’été romain, il va passer de l’autre côté du miroir, de l’observation amusée des mœurs délurées de la bourgeoisie friquée à un monde à la lisère du fantastique, où l’illusion et la réalité se fondent jusqu’à être indiscernables. Fellini signait alors son premier film fellinien : on appelle cela devenir un auteur.

Les Vitelloni
À l’Institut Lumière, du vendredi 21 au mardi 25 mai.

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