Lumière 2011 en version française

Cinéma / Prix Lumière à Gérard Depardieu, rétrospective Jacques Becker, montée en puissance de la section «Déjà classiques !» : le prochain festival Lumière sera français ou ne sera pas. Christophe Chabert

Visiblement, Thierry Frémaux et l’équipe du festival Lumière n’ont pas envie de se laisser déborder par les idées reçues sur la manifestation — encore jeune, mais déjà attendue au tournant. C’est ainsi que l’on interprètera la remise du troisième Prix Lumière à Gérard Depardieu. En récompensant un acteur français et pas un cinéaste international, ils laissent à l’avenir toutes les portes ouvertes pour les futures éditions. Depardieu est incontestablement une figure du cinéma encore bien vivante comme en témoigne le quatuor de films dans lequel il est apparu en 2010 (L’autre Dumas, La Tête en friche, Mammuth et Potiche), des œuvres pas toutes inoubliables mais où lui était, systématiquement, magistral. C’est aussi un des rares comédiens qui possède un véritable discours sur son métier. Il suffit pour s’en convaincre d’aller jeter un œil (sur internet) à la passionnante (et hilarante) master class donnée en 2009 au Forum des images avec Pascal Mérigeau pour se rendre compte de l’intelligence de Depardieu, passant d’anecdotes cocasses en déclarations fulgurantes (comme, par exemple, le fait de ne jouer que lorsqu’il est dans le champ, raillant ainsi les acteurs s’investissant dans leurs rôles au-delà des prises).

Quarante ans de cinéma(s)

Durant Lumière 2011 (qui se déroulera du lundi 3 au dimanche 9 octobre), un hommage sera rendu aux fondateurs du site IMDB, gigantesque base de données sur internet et outil précieux pour vérifier (ou découvrir) les filmographies des plus grandes stars mais aussi du moindre chef opérateur japonais ou d’un improbable sound designer espagnol. Ni une, ni deux, allons donc consulter celle du «Gros Gégé» (surnom qu’il se donnait lui-même dans Le Garçu de Maurice Pialat). On y apprend qu’il a joué dans 188 films, dont un des premiers fut Nausicaa d’Agnès Varda — qui présentera à Lumière Cléo de 5 à 7. Très tôt, il bouscule les chapelles, tournant aussi bien pour les cinéastes populaires de l’époque (Tchernia, Michel Audiard, Deray) que pour les plus avant-gardistes (Duras, avec qui il démarre une longue complicité). Mais ce sont Les Valseuses qui vont vraiment lancer sa carrière et lui permettre de traverser les années 70 en jouant chez les auteurs majeurs de l’époque : Blier donc, mais aussi Sautet, Ferreri, Bertolucci, Téchiné, Resnais, Truffaut et surtout Pialat, qui lui offrira ses plus beaux rôles, ceux de Loulou, de Police, de Sous le soleil de Satan et du Garçu. Dans les années 80, il devient incontournable, dans des comédies au succès monstrueux (La Chèvre, Inspecteur La Bavure), des projets fous plus ou moins réussis (La Lune dans le caniveau, Danton, Fort Saganne, Jean de Florette, Camille Claudel) et des œuvres fragiles de jeunes cinéastes (Drôle d’endroit pour une rencontre). En 1990, c’est la consécration de Cyrano de Bergerac de Jean Paul Rappeneau (qui présentera Le Sauvage au festival), triomphe critique et public, national et international. Ce sommet condamne cependant Depardieu aux «gros films» et à une carrière américaine peu glorieuse, puis aux blockbusters télévisuels de Josée Dayan. Il faut attendre le milieu des années 2000 pour que les cinéastes français redonnent à l’acteur des rôles à sa mesure : 36 quai des orfèvres, Quand j’étais chanteur, Bellamy et quelques caméos savoureux dans Mesrine ou La Môme prouvent qu’il n’a rien perdu de son talent. Touffue, pléthorique, la filmographie de Depardieu peut donner lieu à un bel hommage au cours du festival, à condition de panacher raretés et classiques, films populaires et œuvres plus difficiles (dont son propre film en tant que réalisateur, une version filmée du Tartuffe de Molière qu’on aimerait beaucoup revoir).

Un bilan Positif

Ce Prix ne doit pas éclipser le reste de la programmation du festival, même si il confirme une édition très franco-française : l’intégrale Jacques Becker, cinéaste inégal mais dont l’œuvre doit être redécouverte au-delà des célèbres Casque d’or et Touchez pas au grisbi, la projection de la version restaurée des Enfants du Paradis, celle de La Guerre des boutons originale pour les enfants, une section Déjà classiques ! qui accueillera, outre Varda et Rappeneau, Zulawski, Annaud et Nelly Kaplan… Le cinéma étranger sera donc minoritaire cette année, via la rétrospective d’une dizaine de films signés William Wellman, un cycle consacré aux yakuzas (dont on ne connaît encore aucun titre) et quelques hommages (à Roger Corman, au cinéma muet américain, à Jerry Schatzberg et son Portrait d’une enfant déchue…). Tout n’est, comme d’habitude, pas encore fixé au moment de ce lancement (ni film d’ouverture, ni film de clôture, par exemple). Mais on peut noter, d’éditions en éditions, un retour aux valeurs «positivistes» (du nom de la revue fondée par Bernard Chardère, dont un prix portant son nom sera remis à un journaliste de cinéma durant le festival), celle d’un cinéma «populaire et de qualité», où l’on dialoguerait avec des cinéastes travaillant au cœur du système de manière vivante et curieuse, comme en témoigne le très bon hors série regroupant les grands entretiens de la revue — on ne savait pas où signaler cette sortie, mais on tenait à le faire !


Lumière 2011

Dans les salles du Grand Lyon
Du lundi 3 au dimanche 9 octobre

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