Circonvolutions

Entre cirque, danse, théâtre et musique, le nouveau spectacle de Zimmermann & De Perrot fait chavirer les identités et tourner les têtes avec humour, poésie et virtuosité Jean-Emmanuel Denave

«L'appel que nous venons d'entendre, c'est plutôt à l'humanité tout entière qu'il s'adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité c'est nous, que ça nous plaise ou non. Profitons-en, avant qu'il soit trop tard. Représentons dignement pour une fois l'engeance où le malheur nous a fourrés», dit Vladimir dans En attendant Godot de Beckett. Une tirade qui pourrait fort bien résumer les enjeux de la nouvelle pièce de l'inclassable duo suisse Zimmermann & De Perrot. Hans was Heiri (soit bonnet blanc et blanc bonnet) s'ouvre sur l'avancée hors de la pénombre de quelques individus-pantins munis de différents cadres en bois. Soit sept personnages en quête de hauteur, et une future micro-société miroir de la nôtre. «On s'est interrogé pour cette pièce sur l'intimité, le groupe, l'appartenance ou non au groupe, l'individualité. Sur la façon dont on est rassurés quand on appartient à une société, une famille. Ce sentiment peut aussi entrer en contradiction avec ce qu'on veut et peut faire soi-même, avec l'idée de solitude aussi. On a réfléchi sur le fait d'être dedans ou hors d'un groupe, sur la solitude au sein d'une foule...», nous confient les deux metteurs en scène. Les sept interprètes (tous étonnants et aussi bien acteurs qu'acrobates ou danseurs), vêtus à la mode Deschiens, chercheront ainsi, sans cesse, leur place dans des cadres, à en sortir, ou encore à tenter quelques incursions dans ceux des autres.

Machine à laver

Mais, comme dans leurs pièces précédentes (des emboîtements d'énormes cubes, un tourne disque géant...), il y a dans cette pièce de Zimmermann & De Perrot un «personnage» supplémentaire et central : le décor ! Ici, il s'agit d'une sorte de petit immeuble, composé de quatre studios sur deux niveaux, qui peut se mettre, à tout moment, à tourner sur lui-même. «On part de thèmes qui nous touchent, de notre regard sur les gens, la société actuelle, et surtout au fond sur de petites choses anodines. De ces thèmes, de ces réflexions, de ce dialogue à deux voix émerge une idée de décor qui est la base de chacun de nos spectacles. Ici c'est comme une grande machine à laver, une cage pour hamster ou un kaléidoscope ou tout ce que le spectateur voudra y projeter. C'est un contenant. On aime les décors qui nous mettent devant des situations inconnues, qui provoquent des réactions chez les interprètes, des choses qui nous échappent. Le décor c'est comme une situation de vie». En plus d'une place ou d'un cadre, nos sept protagonistes devront donc encore trouver un équilibre dans leur existence, voire, et très littéralement, un sens à leur vie... Même et surtout la tête en bas, ou bien en courant le plus vite possible sur le décor lorsque la roue de la fortune se met dangereusement à tourner.

Machine à mixer

Si Hans was Heiri est émaillé de nombreux gags à la Buster Keaton et de «numéros» de cirque (contorsions, acrobaties...), c'est aussi une pièce de théâtre qui, certes, n'a pas de fil narratif bien défini mais développe de véritables personnages. «Nous faisons un théâtre de personnages et prenons beaucoup de temps avec nos interprètes. On adore créer des personnages qui soient proches d'eux. Ici, nous avons créé une mini société, un monde en soi qui tourne en se demandant comment on peut être soi-même parmi les autres. Un monde ou les valeurs et les repères basculent, où on peut être dehors ou dedans, dont on peut sortir ou pas...». On notera par exemple la présence d'un professeur de yoga plongeant dans une folie furieuse lors d'une leçon hilarante, d'une grande femme rousse se révélant peu à peu femme fatale, d'un homme d'âge mûr au flegme inamovible, ou de Zimmermann lui-même en clown tout de noir vêtu, maladroit et décalé, tour à tour participant et observateur (exclu?) de cette petite cour des miracles contemporaine. Son acolyte De Perrot est lui-aussi présent sur scène mais en tant que Dj, jouant sur ses platines une musique originale qui participe pleinement à la dramaturgie du spectacle. Car l'écriture de «Hans was Heiri» est, en plus de ses données spatiales fondamentales, affaire de rythmes, de syncopes, de jaillissements, et de mixage entre poésie, défis techniques et sens de l'humour.

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