Expendables 2

Retour de «l’unité spéciale» emmenée par Stallone, avec quelques nouvelles recrues prestigieuses, pour un deuxième volet mieux branlé que le précédent, assumant sans complexe son côté série B d’action vintage. Curieusement plaisant. Christophe Chabert

«On devrait tous être au musée». C’est une des dernières répliques d’Expendables 2, et cela résume parfaitement l’esprit de cette improbable franchise : les papys du cinéma d’action font de la résistance, un dernier tour de piste de prestige qui est aussi, pour certains, l’occasion de sortir de la malédiction du direct to DVD qui les frappe. Pour ce deuxième épisode, Stallone, fort du succès du premier, a d’ailleurs réussi la totale (ou presque, Steven Seagal manque à l’appel !) en incorporant au casting Jean-Claude Van Damme et Chuck Norris et en laissant plus d’espace à Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger, au-delà des simples apparitions clin d’œil du premier. La recette est peu ou prou la même : une équipe de mercenaires, une mission, de la castagne et des vannes en guise de dialogues. Plus une pincée de distanciation mélancolique sur l’air de «On est trop vieux pour ces conneries», lucidité bienvenue même si elle n’empêche pas les vétérans d’exhiber gros bras et dextérité dans le carnage lorsque l’occasion se présente — fréquemment.

À l’est, que des anciens

On pouvait craindre qu’en laissant sa place derrière la caméra au yes man Simon West, Stallone laisse le film dériver dans une surenchère contraire à son esprit de retour au cinoche d’action des années 80. C’est l’inverse qui se produit : la mise en scène joue intelligemment la carte de la série B à l’ancienne, refusant le surdécoupage et préférant inscrire tranquillement l’action et les personnages dans un décor soigneusement choisi. C’est la meilleure idée d’Expendables 2 : le film a été tourné en Bulgarie comme la plupart des produits torchés par les yakayos déclinants (Seagal, Van Damme et Lundgren, en particulier). Mais plutôt que de camoufler la chose en faisant sembler de se trouver quelque part aux États-Unis, il l’incorpore à son scénario : les pays de l’Est et ses villages en dehors du temps, marqués par les reliquats de la guerre froide (qui faisait le bonheur des films d’action dans les années 80) sont assumés comme arrière-plan dramatique et esthétique. Dans un passage particulièrement bien vu, Stallone et West poussent l’ironie jusqu’à faire se réfugier l’équipe dans un bled désert où les Soviétiques avaient reconstitué une petite ville américaine, panneaux publicitaires compris. Ce refus de tricher est la principale qualité d’un film qui ose la littéralité : Jean-Claude Van Damme est un vilain nommé Vilain, Chuck Norris est un «loup solitaire» qui extermine à lui seul une armée entière et apparaît à l’écran sur la musique du Bon, la Brute et le Truand. Premier degré, deuxième degré : qu’importe, le résultat est là, curieusement plaisant comme un bon film de vidéo club.

Requiem pour un yakayo

Tout le film assume ainsi son côté pauvre, sale, vieux, à l’opposé des machines hollywoodiennes luxueuses et rutilantes. Les invraisemblances du scénario, sa manière de faire débarquer au bon moment un sauveur inespéré ou de faire systématiquement passer au travers des balles ses héros, deviennent accessoires au regard du rythme plutôt soutenu imposé par le cinéaste et l’énergie du casting. Seul ratage, prévisible : le combat final, où les armes tombent et les muscles se bandent, mais où la mise en scène a surtout besoin d’un maximum d’obscurité et d’un montage épileptique pour dissimuler le fait que les deux comédiens sont doublés dans la plupart des plans. Dernier point, troublant : le premier acte d’Expendables 2 repose sur un climax dramatique conduisant à la disparition de la plus jeune recrue de l’équipe. On voit alors Stallone se lancer dans un requiem sur le mode «Pourquoi ceux qui ont un avenir doivent-ils disparaître alors que nous, qui n’en avons plus, sommes encore là ?» Impossible de ne pas faire le rapprochement avec la disparition de son propre fils, survenue bien après la fin du montage, cruelle ironie existentielle dont le cinéma, parfois, se fait le témoin involontaire et prémonitoire.

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