Et ils tapent, tapent, tapent...

Trois contes

Auditorium de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

L'Auditorium accueille la première représentation lyonnaise de "Trois contes", spectacle créé en 2008 dans lequel, à l'aune des airs les plus merveilleux de Ravel, les Percussions Claviers de Lyon rendent toute leur ambiguïté aux contes de Perrault. L'occasion de revenir sur l'histoire de cet ensemble singulier tout juste trentenaire. Benjamin Mialot

Mi-février se tenait à Berlin le festival Stargaze, du nom d'un jeune ensemble de bâtisseurs de pontsentre musiques savantes et pop. A son affiche, nombre de prodiges du grand écart de registre, de Nico Muhly à Bryce Dessner, le guitariste de The National, pour plusieurs relectures du In C de Terry Riley, l’œuvre fondatrice du minimalisme, dont une littéralement transcendante par le producteur techno Pantha du Prince et les percussionnistes à blouse grise du Bell Laboratory. Lesquels auraient tout à fait pu céder leur place aux Percussions Claviers de Lyon, collectif qui depuis trente ans construit un répertoire contemporain comme on dynamite des tours (d'ivoire). 

Le club des cinq

Fin des années 70. «Né avec un piano sous les doigts», Gérard Lecointe, directeur artistique de l'ensemble et depuis peu successeur désigné de Roland Auzet à la tête du Théâtre de la Renaissance, intègre le conservatoire de Lyon au moment où un cursus de percussions y voit le jour. Poussé à le suivre par son père, il fait la connaissance déterminante de François Dupin, professeur à forte personnalité qui les incitera, lui et ses camarades de promotion, à s'inventer un futur à la marge de l'institution.

Ainsi naît en 1983 un groupe de cinq pianistes devenus, assez logiquement, des virtuoses des mélodieux lamellophones (marimbas, xylophones, vibraphones) : les Percussions Claviers de Lyon. Il a pour modèle les fameuses Percussions de Strasbourg, pour inspiration une paire de marimbistes visionnaires (la Japonaise Keiko Abe et l'Américain Leigh Howard Stevens) et pour ambition «d'inventer une patte, de standardiser une formation dont les compositeurs auraient pu s'emparer. Ça n'a pas pris comme on l'espérait, principalement pour des questions de coûts, mais c'est cette volonté qui nous a rendu uniques».

D'emblée, un problème majeur se pose : leur instrumentarium est si peu utilisé qu'il n'existe aucun répertoire digne de ce nom. Lecointe entreprend de le créer à partir de transcriptions : «Ce n'était pas un choix par défaut. Nous avions vraiment la volonté de nous approprier les œuvres pour en faire quelque chose de nouveau. L'orchestration, c'est de l'artisanat. On assemble des pièces, on cherche des couleurs, des sonorités... C'est un travail passionnant, très différent de la composition». Ravel et Debussy seront les premiers à voir leurs œuvres adaptées à ces sonorités limpides et narratives, avant que le collectif ne soit en mesure de financer des résidences de composition.

Ça mord

En parallèle, il manifeste très tôt l'envie de mettre en scène son travail : «Nous avions l'intuition que la forme concert n'avait pas de beaux jours devant elle, et cela s'est confirmé. Le public a besoin de spectaculaire. La musique est devenue un flux auquel il faut apporter une valeur ajoutée. Mais on reviendra un jour au plaisir simple d'écouter des musiciens». En attendant, la démarche, souvent matérialisée par des projections très graphiques, rencontre dès le premier spectacle (La Ballade Marie M’Ba, en 1988) un franc succès. Suivront des collaborations avec les metteurs en scène Nicolas Ramond, Claudia Stavisky (avant son arrivée aux Célestins) et surtout Jean Lacornerie. Les PCL créeront avec le directeur du Théâtre de la Croix-Rousse pas moins de quatre propositions, dont deux basées sur des comédies musicales, West Side Story (avec une transposition approuvée par Bernstein) et récemment Bells Are Ringing. A chaque fois, les PCL déroulent avec un enthousiasme communicatif un même fil conducteur : leur esprit d'ouverture.

Celui-là même qui a amené le groupe à se produire avec des artistes aussi divers que la mutine Émilie Simon et Doudou N'diaye Rose, maître sénégalais du tambour. Celui-là même qui a failli disparaître en 2003, suite à un important turnover : «Nous avons toujours gardé une certaine homogénéité, puisque nous sortons tous du même moule. Mais nous faisons face à des disparités d'âge énorme. Actuellement, notre plus jeune membre est plus jeune que mon fils. On ne peut pas attendre de lui qu'il ait autant d'expérience que les autres». Celui-là même qui, depuis la nomination de Lecointe à la Renaissance, est à nouveau en porte-à-faux : «Cela va nous permettre de nous poser la question de la transmission. J'arrive tout doucement à la fin de ma carrière d'instrumentiste. Que faire d'un projet quand son instigateur part ? Cette interrogation va initier une nouvelle période pour nous».

En 2003, la survie des PCL était passée alors par l'abandon du fonctionnement collégial de ses débuts. Cette fois, il est encore trop tôt pour savoir ce que l'avenir leur réserve, à trois nouvelles abolitions defrontières entre divertissement et excellence près (la prochaine, Batèches, repose sur les mots du poète québécois Gaston Miron). Seule certitude : rien ne les fera quitter l'Hameçon, lieu de résidence et de rencontre que la bande occupe dans le 9e arrondissement depuis 2004. «C'est un peu notre garage», dit de lui Gérard Lecointe. Les Percussions Claviers de Lyon seraient-ils rock'n'roll ? Sans doute bien plus que leurs baguettes colorées ne le laissent supposer.



Trois contes


A l'Auditorium, samedi 1er mars

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