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Le collectif selon Christian Rizzo

D'après une histoire vraie

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Alors que le chorégraphe français Christian Rizzo a souvent divisé le public et la critique, sa dernière pièce dévoilée en 2013 au Festival d’Avignon a mis tout le monde d’accord. Bonne nouvelle : "D’après une histoire vraie" est programmée cette semaine à la Maison de la danse, dans le cadre du festival Sens dessus dessous. Un événement immanquable pour les amateurs comme pour les néophytes. Aurélien Martinez

Il n'existe pas que des tubes musicaux. C'est le cas aussi en danse contemporaine. Bien sûr, ces succès touchent moins de monde que la chanson d’une popstar anglo-saxonne aux millions de vues sur Youtube, mais tout de même, dans le milieu du spectacle vivant, ils arrivent à engendrer une dynamique pas si courante. En 2012, le hit, c’était Tragédie d’Olivier Dubois et ses dix-huit danseurs nus, vu la saison passée à la Maison de la danse. En 2013, c’était D’après une histoire vraie de Christian Rizzo, qui arrive cette semaine à Lyon.

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La comparaison entre les deux pièces prend son sens tant au niveau du rendu (l’une comme l’autre sont de véritables déclarations d’amour au corps) qu’au vu du parcours des deux chorégraphes qui, s’ils ont pu parfois violemment partager le public et les professionnels avec leur précédentes propositions, font cette fois-ci l’unanimité.

Ainsi, presque deux ans après sa première représentation à Avignon et l’impressionnant bouche à oreille qui l’a entourée, la pièce de Christian Rizzo bénéficie toujours d’une immense tournée, qui rend du coup l’homme moins disponible pour les interviews – on a pu l’avoir seulement dix minutes au téléphone, entre deux portes. «Bien sûr que ce succès est très réjouissant ! Mais ça demande de garder la tête froide» nous a-t-il confié. D’autant plus que sur le papier, cette aventure n’était pas forcément calibrée pour le succès.

«Une matière picturale»

En 2004, j’ai assisté à un spectacle de danse à Istanbul dans lequel jaillissait un groupe d’hommes se livrant à une danse traditionnelle, complètement effrénée, avant de disparaître aussitôt. Quand les anciens directeurs du Festival d’Avignon m’ont proposé en 2012 de faire une création pour 2013, ce souvenir a émergé de façon très pugnace. J’ai trouvé ça dingue d’avoir gardé autant de temps en mémoire cette micro danse et de voir à quel point elle s’était logée dans mes souvenirs de façon inconsciente. Ça a donc été le point de départ de la création

explique Rizzo.

D’où le titre D’après une histoire vraie, qui semble illustrer parfaitement cette découverte ? «Entre autres. Il y a toujours une fiction ou une histoire sous-jacente à mon écriture abstraite.»

Oui, abstraite ; c’est le bon mot si on se remémore les précédentes créations de Christian Rizzo, assez conceptuelles et qui ont partagé jusqu’à la rédaction du PB. Mais pour D’après une histoire vraie, le chorégraphe français est parti dans une autre direction : stop aux corps frêles et au sous-texte cérébral, place à une émotion brute et à la puissance du collectif.

Le corps a toujours été présent dans mes pièces. Il était juste moins mouvant avant, venait d’autres sources, y compris scénographiques [on trouvait souvent sur scène une plante verte, un fauteuil ou encore un casque de moto – NDLR]. Là, le mouvement se répartit de façon plus évidente vers le corps, la scénographie étant en plus assez légère, avec un espace vide constamment malaxé par les corps. J’ai travaillé cet espace vide presque comme une matière picturale.

Ça se voit : plastiquement, l’épure scénographique renforce le côté hypnotique de la chorégraphie, notamment grâce à un travail précis sur les lumières. Une approche qui laisse alors ce choc des titans tribal se mettre en place petit à petit, les danseurs envahissant le plateau d’abord seuls ou par petits groupes…

«Mon folklore à moi, c’est le rock»

Avec D’après une histoire vraie, Christian Rizzo rapproche donc les danses folkloriques méditerranéennes et la danse contemporaine, deux monde a priori très éloignés : «Je dirais que c’est un croisement entre des pratiques anonymes et d’autres d’auteur. Forcément, en amont, Rizzo a dû mener un important travail d’ethnologue (ou du moins d’observateur) pour arriver à un tel résultat ?

En fait pas du tout. On s’est plutôt penché sur nos souvenirs pour convoquer les gestes que l’on retrouve dans toutes les danses folkloriques – taper des pieds, se tenir par la main… Aller chercher ces gestes de façon très éparse pour ne pas reproduire une construction de danse folklorique qui existerait. On a vraiment travaillé sur les questions du souvenir et de l’invention…

Un travail de création intense mené par une équipe de huit danseurs hommes («Je voulais proposer une vision sur ce qu’est un espace masculin») qui, au fil de la représentation, se transforme en une véritable explosion, sans fioriture, presque guerrière.

«Du groupe à la communauté»

La pièce se déploie également, en 1h10, grâce à deux batteurs (Didier Ambact et King Q4) présents sur la scène. Ils font progressivement monter la tension, en même temps que les danseurs se redressent, eux qui avaient commencé au sol.

Dès le démarrage du projet, il était très clair que la musique serait live explique Rizzo. On a travaillé ensemble constamment pour que la danse et la musique apparaissent en même temps dans l’écriture, soient réellement imbriquées. Rien n’était prémédité, j’ai tout construit au plateau.

Les coups secs et répétitifs des musiciens battent le rythme, découpe le mouvement. Avec, au centre, la danse ; cette danse que certains artistes contemporains ont pu perdre (l’éternel débat autour de la non-danse), que Christian Rizzo a pu délaisser un temps, lui qui se définit comme chorégraphe-plasticien et qui fut aussi à la tête d’un groupe de rock – Mon folklore à moi, c’est le rock» déclare-t-il d'ailleurs souvent – mais que l’on retrouve avec plaisir entre ses mains.

Une énergie faite de pas, de mains dans le dos, de bras autour du cou, de tournoiements, de rondes.«Une danse collégiale qui creuse le sol en même temps qu’elle cherche l’élévation» comme il l’écrit en note d’intention.

C’est en créant le spectacle sur le plateau que je me suis aperçu qu’au-delà de la joie d’être ensemble, le sujet de la pièce partait de la notion de groupe pour arriver à celle de communauté – d’où la progression que vous évoquez.

Cette ode à la force du collectif donnerait presque envie de se joindre aux danseurs lors du dernier tableau, quand Rizzo met en place une époustouflante rave rock – l’un des plus beaux moments de danse de ces dernières années. Il s'en amuse : «Certains soirs, on doit presque empêcher les spectateurs de monter sur scène !»

D’après une histoire vraie apparaît alors comme l’un de ces spectacles qui, à l’image du Tragédie d’Olivier Dubois évoqué plus haut, peut être mis devant tous les yeux, et surtout devant ceux qui jugent ne pas avoir les prérequis nécessaires pour comprendre la création contemporaine. Un de ces spectacles qui fait tout simplement un bien fou, redonnant foi en un art généreux et intelligent.

D’après une histoire vraie
À la Maison de la danse vendredi 27 et samedi 28 mars

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