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Villeurbanne : Apichatpong Weerasethakul, rêves partagés à l'IAC
Par Jean-Emmanuel Denave
Publié Mardi 24 août 2021 - 4526 lectures
Photo : © DR
Apichatpong Weerasethakul
Institut d'Art Contemporain
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Art Contemporain / L’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne ouvre ses espaces aux œuvres vidéo immersives de l’artiste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Une expérience hypnotique exceptionnelle !
L’artiste et cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul nous entraîne, à l’IAC, à « la périphérie de la nuit » (titre de son exposition). C’est-à-dire dans un espace-temps où la réalité se brouille d’onirisme, où la somnolence des personnages filmés se peuple de figures imaginaires, où le présent communique librement avec les fantômes du passé. On retrouve là les thématiques clefs de ses longs-métrages (Tropical Malady, Cemetery of Splendour, Oncle Boonmee...), souvent primés à Cannes et qui ont fait la renommée de Weerasethakul en France.
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Pourtant, depuis ses débuts, son "cinéma élargi" occupe autant les salles de cinéma que les salles de musées ou d’événements artistiques majeurs (Biennale de Venise, Documenta de Cassel, Musée d’Art Moderne de Paris…). Les mêmes obsessions, les mêmes personnages, les mêmes lieux passent d’un cadre à l’autre, d’un film pour l’écran à un dispositif immersif de projections vidéos plus courtes. Comme si ses images se jouaient autant des frontières entre les êtres que des frontières entre les formes esthétiques.
Bain d’images
Les vidéos présentées à Villeurbanne sont issues du "journal intime" de Weerasethakul qui a toujours sur lui une petite caméra et filme quotidiennement son entourage familial et amical, la région où il vécut enfant au Nord-Est de la Thaïlande, ses voyages… Images qui seront ensuite remontées, triturées, en surimpressions, en rythmes ralentis ou accélérés, en lumières accentuées ou atténuées... Pour nous perdre encore un peu plus, l’artiste démultiplie les dispositifs de projections : écrans surélevés, écrans transparents, polyptyques, images fugaces sur certaines cimaises… Au fur et à mesure de ce parcours singulier, nous parvenons à une sorte de conscience altérée, d’état de rêverie, dont on ressort à la fin de l’exposition tout éberlués, transportés, admiratifs. Comme à la sortie d’un bain d’images, fait de flashs lumineux, de fragments oniriques, d’apparitions énigmatiques, le tout accompagné d’éléments sonores accentuant l’aspect mystérieux des œuvres (crépitements, grésillements, bruits sourds de percussions...). On se souvient alors, dans un état presque second, d’adolescents jouant sur une plage avec un ballon de foot enflammé, d’un couple mutique dans un jardin de sculptures apparaissant au gré des éclats lumineux d’un feu d’artifice, de chiens tout rouges un peu inquiétants. Dans une salle, nous avons même concrètement traversé les mots de Weerasethakul, projetés partout dans l’espace, filmé en train d’écrire un de ses rêves.
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« J’essaie de plonger mes personnages, et par extension les spectateurs, dans une atmosphère proche du sommeil, en ayant recours aux lumières que je vois dans ma tête et que j’essaie de reproduire dans le film. En ce sens, je me rapproche d’une idée politique du sommeil : un espace collectif dans lequel les dormeurs sont actifs et non plus passifs » confiait Weerasethakul aux Cahiers du Cinéma en 2019. Une citation qui vaut autant pour ses films que pour son exposition à Villeurbanne. Si certains artistes ou cinéastes réalisent (à l’écran) leurs rêves et leurs fantasmes, il nous semble que Weerasethakul, quant à lui, rêve la réalité. Il la distille et la filtre afin de nous la donner en partage, pour peu que l’on accepte d’abandonner notre manière habituelle de voir et de raisonner sur le monde.
Apichatpong Weerasethakul, Periphery of the Night
À l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne jusqu’au dimanche 28 novembre
Bio express
1970 : Naissance à Bangkok
1999 : Fonde le studio de production Kick the Machine qui défend en Thaïlande le cinéma indépendant et expérimental
2000 : Premier long-métrage, Mysterious Object at Noon
2010 : Obtient la Palme d’or à Cannes pour Oncle Boonmee
2012 : Participation à la Documenta 13 de Cassel
2019 : Participation à la Biennale d’art de Venise
2021 : Exposition à l’IAC de Villeurbanne et sortie (le 17 novembre) de son nouveau film Memoria (Prix du jury à Cannes)
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Christophe Chabert
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