Villeurbanne : le TNP, un centenaire en pleine forme

Ca ira (1) Fin de Louis

TNP - Théâtre National Populaire

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Villeurbanne / 100 ans en plein Covid, 101 ans cette année. Enfin le TNP peut convoquer son histoire lors d’un mois de septembre dense et réjouissant. De Paris à Villeurbanne, de Firmin Gémier à Jean Bellorini,  l’aventure du théâtre national populaire transcendée par Roger Planchon est aussi l’histoire de la décentralisation. Zoom arrière.

« À une date [en 1970] où Jacques Duhamel n’est pas encore là et où je n’ai aucun interlocuteur, je prends la décision de faire venir Patrice [Chéreau] à Villeurbanne. Je sais qu’un jour le théâtre va rouvrir et que je ne l’ouvrirai pas seul. » Roger Planchon répond là bien des années plus tard aux questions de Michel Bataillon, son autre acolyte historique. On peut découvrir dans la somme formidable que sont les six volumes du si bien nommé Défi en Province ces échanges, et cette proposition de co-direction offerte à Patrice Chéreau, finalement acceptée par le ministre de la Culture de Georges Pompidou, Jacques Duhamel.

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Le 19 mai 1972, le Théâtre National Populaire ouvre ses portes pour la première fois à Villeurbanne. Planchon a 38 ans, Chéreau 25. Le premier est un artiste complet, chantre de la décentralisation, le deuxième est déjà une star de la mise en scène. Le Massacre à Paris de Marlowe monté par Chéreau avec 44 interprètes et la scénographie phénoménale de Richard Peduzzi crée l’événement.

Roger Planchon, fils d’agriculteurs ardéchois, a entamé à Lyon puis Villeurbanne dans l’immédiat après-guerre un théâtre populaire exigeant. Il monte les classiques et défriche des auteurs contemporains : Vinaver, Ionesco. Il a un lieu immense depuis 1957 : le théâtre de la Cité, à l’italienne, de Villeurbanne. Puis en 1972, ce TNP flambant neuf qui compte 860 places dans une salle en pente douce, sans aucune place aveugle. C’est aussi là un ADN de ce théâtre "populaire", accessible à tous, qui désormais a quitté Paris.

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Du Trocadéro...

Car jusque-là et depuis 1920, c’est dans la capitale que s’invente le TNP. Firmin Gémier, comédien et metteur en scène, a investi la salle des fêtes du Palais du Trocadéro aménagée pour l’exposition universelle de 1878. Non équipée techniquement, géante, froide, cette salle est difficile à manier mais déjà Gémier tente de faire venir ce que Planchon appellera plus tard le "non public", « ceux qui n’ont encore aucun accès ni aucune chance d’accéder prochainement au phénomène culturel. »

Nouvelle expo universelle en 1937, nouveau bâtiment (2800 places !), le Palais de Chaillot, qui servira le théâtre essentiellement après-guerre quand l’ONU en partira ! C’est Jean Vilar qui est appelé en 1951 à la rescousse pour redynamiser ce lieu. Depuis quatre ans, il parvient à organiser un festival en province qui tourne bien, à Avignon. Il va mener le TNP de front jusqu’en 1963 et s’épuiser à la tâche autant qu’il va considérablement le moderniser. Et, bien qu’édifié dans un quartier tout sauf populaire, le TNP va accueillir les classes non privilégiées. Décrétant que le théâtre est « un service public tout comme le gaz, l’eau et l’électricité », Vilar va supprimer les pourboires et salarier les ouvreurs, avancer l’heure des spectacles (20h) afin que le public puisse rentrer en métro, rendre gratuit les vestiaires, proposer des abonnements, faire se rencontrer public et artistes dans une formule qui ne se nomme pas encore "bord plateau " et créer des rites (des trompettes pour signifier le début du spectacle, une typographie toujours d’actualité signée Jacno, celui qui donna une identité visuelle aux cigarettes Gauloises !).

Dans le même temps, il crée pas moins de soixante spectacles dont beaucoup avec Gérard PhilipeJeanne Laurent, audacieuse (et seule femme dans cet aréopage masculin), a eu une belle intuition depuis son secrétariat d’État aux Beaux-Arts de réactiver avec Vilar ce théâtre national populaire qui passe en 1963 aux mains de l’un des acteurs de la troupe vilarienne, Georges Wilson. Il va inaugurer une seconde salle à taille humaine, traverser le scandale que provoque la déprogrammation de La Passion du général Franco d’Armand Gatti à la demande de De Gaulle dans un exercice de realpolitik honteux en compagnie de l’État fasciste espagnol. Mai 68 est là, l’Odéon est occupé, Wilson, en supprimant par excès de zèle les abonnements, vide le théâtre. À Villeurbanne un certain Roger Planchon réunit les directeurs de Maisons de la Culture et livre une Déclaration qui affirme principalement que les artistes sont maîtres de leur outil et la « nécessité d’une étroite corrélation entre la création théâtrale et l’action culturelle. »

... à Villeurbanne

Ce n’est donc pas Planchon qui rejoint le TNP comme lui proposait l’État mais bien le TNP qui s’installe à Villeurbanne. Planchon dirigera à la fois seul et avec d’autres jusqu’en 2002. Sa maison est ouverte. Quatre ans après le départ de Chéreau, il co-dirige avec Georges Lavaudant (1986-96), Robert Gilbert sera le troisième homme, veillant au bon fonctionnement. Planchon montera les autres et ses propres textes comme ce Cochon noir mémorable. Son équipe ouvre à l’international avec notamment le Festival d’Automne qui passe par là et permet de découvrir le talent d’Enrique Diaz ou Simon McBurney, dès 2002.

Décédé en 2009, il ne verra pas le TNP agrandi de six salles supplémentaires inauguré le 11.11.11, soit 91 ans jour pour jour après le début de cette aventure que Christian Schiaretti a poursuivi au début du XXIe siècle, en faisant place à la langue et que désormais Jean Bellorini anime depuis dix-huit mois. C’est à lui que revient de commémorer cet anniversaire pas comme les autres mais aussi à lui qu’incombe d’amorcer les cent ans à venir [cf. entretien sur notre site www.petit-bulletin.fr]. Ce qu’il fait avec cette Troupe éphémère qui foule la grande scène car « ce plateau leur appartient. » Et conscient que son rôle « n’est pas d’asséner que le théâtre doit être à tout prix un besoin. Pour autant, il fait partie des inventions humaines qui aident à vivre mieux » déclarait-il cet été dans la revue interne du TNP, Bref, popularisée en 1956 par un certain… Jean Vilar.


Le Programme du centenaire du TNP

(au TNP et en entrée libre, sauf mention contraire)

4 spectacles

Ça ira (1) Fin de Louis
Écrit et ms Joël Pommerat, cie Louis Brouillard, 4h30
Du 9 au 19 septembre, jeu, ven, sam à 19h, dim à 15h ; de 7€ à 25

Les Trois Mousquetaires
D'après Alexandre Dumas, ms Clara Hédouin et Jade Herbulot, 1h50 et 20h30
Au Rize le vendredi 10 septembre à 18h (saison 1)
Samedi 11 septembre à 15h (saison 2) et 18h30 (saison 3)

Fahrenheit 451
D'après Ray Bradbury, ms Mathieu Coblentz, 1h25
Du 21 au 25 septembre, à 20h30 sf jeu à 20h ; de 7€ à 25€

Et d’autres que moi continueront peut-être mes songes
Textes de Firmin gémier, Jean Vilar, Maria Casarès…, ms Jean Bellorini, par la Troupe éphémère, 1h30
Samedi 25 septembre à 20h et dim 26 à 15h30 sf jeu à 20h ; 5€/7€


10 conférences

L'Histoire du TNP d'hier à aujourd'hui (5€/7€)
Samedi 11 septembre :
11h : Firmin Gémier
14h30 : Jean Vilar - Georges Wilson
17h : Jean Vilar - Antoine Vitez
20h30 : Roger Planchon

Dimanche 12 septembre :
11h : les témoins
14h30 : Patrice Chéreau
17h : Jean-Pierre Jourdain et les années Schiaretti

Vendredi 17 septembre :
18h30 : Projection de la pièce La Rose et la hache
20h30 : Georges Lavaudant

Samedi 25 septembre :
11h : Théâtres de service public hier et aujourd'hui

Dimanche 26 septembre
11h : Jean Bellorini

2 expos

100 ans d'histoire en sons éclairés
Installations d'Agnès Pontier et Sébastien Trouvé
Du 9 au 25 sept

Ce soir, oui tous les soirs
Jean Vilar, notes de service, TNP 1951-1963
Du 9 sept au 16 oct


1 film

Le Théâtre National Populaire de Georges Franju (1956, 28 min) suivi d'Une aussi longue absence d'Henri Colpi (1961, 1h38) + discussion avec Jean Bellorini et Michel Bataillon
À l’Institut Lumière le jeudi 16 septembre à 19h ; de 7€ à 10€

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