A l'Institut Lumière, Joseph Losey, un Américain bien intranquille

Institut Lumière / Prolongeant la trop courte rétrospective que lui consacre la Cinémathèque française, celle de l’Institut Lumière met à l’honneur quelques pièces rares de sa riche et complexe cinématographie, volontiers travaillée par le thème du double et de l’opposé…

Après les cycles Jane Campion et Stanley Kubrick, voici donc Joseph Losey. C’est Michel Ciment qui doit jubiler ; si Rosi et Kaplan devaient suivre, l’inamovible patron de Positif aurait droit au grand chelem de ses cinéastes de chevet à l’Institut Lumière. Ciment sera bien entendu là pour une causerie le 22 février, juste avant Accident (1967).

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L’un des plus emblématiques films de la période britannique du cinéaste américain, aux côtés des incontournables The Servant (1962) ou Le Messager (Palme d’or 1971). Scénarisés tous trois par le futur Nobel Harold Pinter, ils questionnent les rapports de domination sociale, usant implicitement d’une séduction sensuelle pour effacer le privilège de la naissance. Un sujet plus politique que libertin ou crapuleux chez Losey — dont on sait qu’il dut fuir l’Amérique maccarthyste — qui aura multiplié les variations sur le thème, du Rôdeur (1951) à La Truite (1982) en passant par Don Giovanni (1979), Gipsy (1958) et L’Enquête de l’inspecteur Morgan (1959).

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Celui-ci vaut à bien des égards le coup d’œil : outre la présence de Micheline Presle en femme fatale et du récemment disparu Hardy Krüger en peintre batave rugueux, il marque la rencontre entre Losey et son acteur fétiche, le colosse Stanley Baker — dans le rôle ici d’un Columbo de Scotland Yard enrhumé (photo). Baker se retrouvera de l’autre côté de la loi dans Les Criminels (1960), façon Sterling Hayden d’Ultime Razzia, puis dans Eva (1962) face à Jeanne Moreau et à Venise ; et enfin dans Accident.

Ombres, reflets et doubles

S’il est une autre figure que Losey aime à cultiver, pour le trouble qu’elle peut pareillement susciter, c’est celle presque “carrollienne“ du miroir et de ce double vivant de l’autre côté, inatteignable et cependant si présent. On ne compte pas les jeux optiques matérialisant les reflets à l’écran ; pas plus que l’on ne dénombre les quêtes métaphysiques d’un “autre“ : fille décédée faussement réincarnée dans le funèbre Cérémonie secrète (1968) ou naturellement le Delon délavé de M. Klein (1976), poursuivant par une étrange curiosité son homonyme juif jusqu’à se dissoudre dans son destin fatal.

Quel sujet enfin que “l’Autre” chez Losey, dont la caméra, dans l’Amérique ségrégationniste, ne voit pas les couleurs de peau — comme le tueur d’enfants dans son remake du film de Lang M (1951), ce que montre avec une certaine habileté l’ouverture de cette œuvre psychanalytique. Et il y en a encore d’autres (Deux hommes en fuite, Maison de poupée, Les Damnés, Haines, Une Anglaise romantique…) au programme donnant envie de voir les autres !

Rétrospective Joseph Losey
À l’Institut Lumière
jusqu’au mercredi 23 mars

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