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Mary Sibande et Thameur Mejri : hard-corps au Musée d'Art Contemporain

Thameur Mejri

Musée d'Art Contemporain

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Art Contemporain / Le corps dans ses rapports les plus âpres au réel, tour à tour soumis ou résistant aux discriminations et aux pouvoirs qui l’assujettissent… Tel est l’un des fils qui relient les trois expositions monographiques du Musée d’art contemporain consacrées respectivement à David Posth-Kohler, Mary Sibande et Thameur Mejri.

Un artiste est souvent aussi un anatomiste et une sorte de médecin qui explore les corps pour leur redonner leur beauté, ou souligner leurs souffrances, leurs distorsions, leur imaginer de nouvelles configurations ou pour, encore, opposer une résistance aux forces négatives qui les aliènent… Dès l’entrée du musée, la sculpture monumentale de David Posth-Kohler (né en 1987 à Annecy), Sténos, impose ses entrelacs de mains et de formes anatomiques pour ériger un corps résolument anarchique et chimérique. Plus loin, l’artiste présente plusieurs œuvres en dialogue avec des vidéos de Bruce Nauman, grand expérimentateur du corps de l’histoire récente de l’art contemporain.

Au dernier étage du musée, c’est aussi une œuvre monumentale que présente la Sud-Africaine Mary Sibande (née en 1982), Le Ventriloque rouge. Invitée de la Biennale 2013, l’artiste a, depuis, très peu été exposée en France. Son travail porte sur les discriminations de classes, de "races" et de genres, à travers les pérégrinations d’un avatar sculpté à son image et dénommé Sophie. Au MAC, Sophie apparaît en prêtresse habillée d’une longue robe rouge et accompagnée d’une voix off dont les paroles pourraient être les siennes. Elle trône au milieu d’un amphithéâtre sur les estrades duquel des molosses sinistres et féroces semblent tout prêts à bondir et nous dévorer. Il est question ici de colère, de violence sociale, à travers une installation qui, de manière (un peu trop) simple et directe, fait forte impression.

Il y a de la rage et de la violence

Le corps est au centre du travail de l’artiste tunisien Thameur Mejri (né en 1982) dont le MAC présente une exposition monographique réunissant dessins et peintures ainsi que quelques vidéos. Les toiles de Mejri, au premier regard, frappent par leurs couleurs majoritairement vives (rouge, orangé, vert acide…) et par leur aspect chaotique. On croirait assister à des explosions dont le souffle disperse sur la toile : crânes, organes, os, phallus, fragments de personnages… Mais encore divers objets tels que des pots de fleurs, des bâtons de dynamite, des flingues, des bidons d’essence, des ballons… Il y a de la rage et de la violence dans les œuvres de Mejri, et aussi une maîtrise plastique qui l’accompagne et l’équilibre, dans la lignée de quelques grands maîtres dans lesquels Mejri se reconnaît comme Picasso, Francis Bacon ou Vladimir Velickovic.

Grand lecteur de philosophie (Michel Foucault, Giogio Agamben, Jacques Derrida…), Thameur Mejri tente dans ses œuvres de déplier, déconstruire les corps et leurs rapports aux normes sociales et, selon ses propres mots « de voir ce qui est au-delà des corps disciplinés et des fantasmes erronés. Je travaille à partir d’images qui me hantent, de combats entre des figures où les positions du bourreau et de la victime peuvent s’inverser. J’explore des gestes et des langages qui drainent toujours des effets de domination et j’essaye de désactiver des gestes et des postures figées dans certaines significations. »

J’ai vécu trente ans sous une dictature

L’artiste ouvre un champ d’expérience corporel où il dénonce des pouvoirs d’emprise et libère des énergies. Cette geste artistique, politique et émancipatrice trouve son origine dans l’histoire personnelle de Thameur Mejri, « artiste tunisien qui tente de se libérer de frustrations dues à une société patriarcale et où le religieux règne sur l’espace public. J’ai vécu trente ans sous une dictature, toujours sous surveillance d’une police et d’un État qui instillaient leurs effets jusque dans ma propre famille. »

Heureusement, les œuvres de Mejri n’ont rien d’univoque et ne colportent aucun discours édifiant. Elles dépassent la situation tunisienne (ancienne et contemporaine) et parlent à tout visiteur qui lui aussi, jour et nuit, évolue physiquement dans une société de surveillance et de contrôle. Et cela mérite bien quelques explosions !

David Posth-Kohler, Mary Sibande, Thameur Mejri
Au Musée d’art contemporain jusqu’au dimanche 10 juillet

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