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Fanny Ruwet : « jamais de ma vie je le raconte à qui que ce soit »

Fanny Ruwet

Salle Molière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Humour / Quand Fanny Ruwet ne délivre pas sa chronique sur France Inter, elle crée des podcasts ou écrit des courts-métrages. Actuellement, l’humoriste belge — reine du malaise — joue en tournée son spectacle Bon Anniversaire Jean : un recueil introspectif des doutes, des peurs et des hontes d’une misanthrope assumée, orné de sujets plus profonds (la santé mentale, le non-désir d'enfant, sa bisexualité...) Rencontre.

Quel est le point de départ de votre spectacle Bon anniversaire Jean ?
Le fil rouge, c’est l'anniversaire de Jean, un garçon qui m'avait invitée par erreur à son anniversaire quand j'avais douze ans. Quand je suis arrivée sur place, on a réalisé qu'il avait interverti deux numéros de téléphone. C’était très gênant. Je prends ça comme base pour parler de plein de choses, pour aborder les moments où tu n’es pas à ta place, où tu ne sais pas t’intégrer ou comment agir…

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Vous parlez aussi de bisexualité, du non-désir d'enfant, du malaise en société et vous êtes associée à Night Line, une association qui s’engage pour la santé mentale des étudiants. Votre art revêt-il un rôle didactique?
Ce n'est pas le but. Il y en a qui le font très bien, mais ce n’est pas mon truc. Je raconte mes petites histoires d'amour avec des garçons et des filles… J'ai plutôt envie de faire passer ça dans la normalisation des choses. Le fait d'entendre parler de ces sujets sur la radio publique française, ça fait déjà un peu son taff je crois. Par contre, j’appuie un peu plus sur le sujet de la santé mentale des étudiants car c'est une période où on en a besoin. C’est encore un peu mal considéré.

Ces sujets sont-ils toujours abordés par le prisme de votre histoire personnelle ?
C’est seulement du vécu que j’essaye de faire passer à travers des émotions universelles. Je n'ai pas de connaissances claires en santé mentale. Je préfère vraiment passer par mon histoire car je ne peux pas avoir tort.

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Personne ne saura que c’est moi

Vous avez récemment coécrit la partie stand-up de la série Drôle de Fanny Herrero sur Netflix. Comment avez-vous vécu l’exercice d’écrire des vannes pour des autres ?
C’était la première fois. Pour la première saison, c'était assez difficile. Les personnages n'étaient pas encore créés, on découvrait leurs personnalités au fur et à mesure. Les stand-up qu'on écrivait permettaient de raconter leur vie. C'est curieux, il faut à la fois mettre des choses de soi pour sonner juste, et à la fois, on peut se permettre des choses qu'on n'oserait jamais dire. Il y a un truc qui m'est arrivé, je me suis dit : « jamais de ma vie je le raconte à qui que ce soit » et là, ce sera sur Netflix. Parce que cette anecdote sera dans la bouche de quelqu'un d'autre. Et personne ne saura que c’est moi.

On a pourtant l’impression que celle que l’on appelle "la reine du malaise" ne s’interdit rien. Comment prendre plaisir à créer ce malaise ?
Le fait de pouvoir jouer avec, ça permet de reprendre le contrôle. J'ai fait un jeu de quelque chose qui, à la base, était un défaut. Ça m'arrivait tellement de fois d’être en situation de malaise parce que je n’avais pas les codes, etc. En reprenant le contrôle, je passe de victime à protagoniste.

Pourquoi la misanthrope revendiquée que vous êtes s'inflige-t-elle de jouer devant des centaines d’êtres humains ?
C’est parce qu’ils ne peuvent pas répondre. Là est la subtilité. C’est beaucoup plus facile d’être dans un cadre codifié "je joue, vous écoutez, vous rigolez, je m’en vais" plutôt que dans une conversation spontanée. Quand tout est scénarisé c'est très simple.

La déformation du comique existe-elle vraiment ?
De ouf. Et c’est problématique. J’ai énormément de choses à écrire (Drôle, les chroniques, le stand-up...). Dès qu’il se passe un truc dans ma vie, je pense à où est-ce que je pourrais le mettre ? C'est fatiguant.

Vous êtes à l’origine de plusieurs podcasts, dont Les gens qui doutent.
J’ai peur du vide, il faut toujours que je fasse plein de choses. Là, je voulais une excuse pour rencontrer des gens que j'aime bien (auteurs, réalisateurs, humoristes…). Quand j'ai commencé le stand-up, j’avais beaucoup de questions à poser, particulièrement aux humoristes, sur comment on fait un spectacle, comment on gère ce milieu. On parle de légitimité, de remise en question… Je peux projeter mes questionnements du moment sur l'art, sur l'écriture. En général, ce sont des gens qui sont mes obsessions du moment, d’un point de vue artistique. Le prochain est avec Alexis Michalik. Je veux aller gratter dans son cerveau.

En Belgique, le statut d’humoriste appartient au secteur de l’événementiel. Il n’est pas reconnu officiellement. Cette dénégation n’est-elle pas dangereuse pour la légitimité des humoristes ?
Heureusement, c’est en train de bouger avec la Fédération Belge des Professionnels de l’Humour. J’ai eu la chance que ça devienne très vite mon métier dans le sens où ça payait mon loyer et c’était ma seule activité professionnelle. Donc, ça légitime ton travail.

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Vous souvenez-vous d’un bide marquant ?
Trois jours avant Montreux, j'avais mon texte et je voulais le roder sur quelques dates à Paris. Au Fridge, ça a été un bide monumental, incroyable. Ça met la pression, tu te dis : « je vais le jouer devant 1 200 personnes et douze caméras, ça va être horrible ». Je devais faire huit minutes, j'en ai fait trois. Les gens n'avaient pas l'air de comprendre quand je parlais. C'est ce qui est horrible et génial à la fois. Tu remets tout en jeu à chaque fois.

Sur votre Instagram, on découvre beaucoup de photos de concerts. Quel lien entretenez-vous avec la musique ?
L’humour, c'est assez récent. Pendant toutes mes études, j'allais à trois concerts par semaine. J'avais un webzine musical, je faisais plein d’interviews. Je pensais bosser dans la musique. J’ai fait des études de relations publiques pour pouvoir être attachée de presse et bosser avec des groupes puis j'ai réalisé que je détestais ça.

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Fanny Ruwet
À la Salle Molière samedi 12 mars

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