En maître, William Klein l'a vu

William Klein

Galerie Le Reverbere

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Photographie / Enfant terrible du monde de la photographie, William Klein n’a eu de cesse d’en bousculer les codes et les pudeurs. Jetant son corps dans la bataille du réel, ses images en conservent l’énergie, la violence, la vie. Retour sur les apports et le parcours de cet artiste impétueux.

Un direct du droit sur l’arcade sourcilière. C’est ça une photographie de William Klein. Soit une charge physique, un souffle d’énergie, un déchirement de la rétine qui rendent groggy un certain temps, avant de pouvoir reprendre ses esprits et découvrir les détails et la construction touffue de ses images. L’analogie avec la boxe (et avec le sport en général, William Klein étant un fana de sports ayant pratiqué le tennis à haut niveau) n’est pas ici sans fondement puisque l’artiste a longtemps travaillé, entre 1971 et 1974, sur un vaste film consacré à Mohamed Ali. Et qu’il se place lui-même dans une très grande proximité (comme deux boxeurs sur un ring) avec les sujets qu’il saisit, en utilisant souvent un objectif grand angle. « L’acte photographique c’est moi ! » aurait-il même entonné lors d’un colloque à la Sorbonne en 1982, selon Jacques Damez (photographe et co-fondateur de la galerie Le Réverbère), présent ce jour-là dans l’amphithéâtre. « Toute photographie est une mise en scène de l’espace, poursuit Jacques Damez, mais avec Klein le photographe devient un acteur lui-même de cette mise en scène, comme un performeur ». Bref, Klein ne se contente pas de déclencher l’obturateur, il déclenche, catalyse la scène par sa présence physique engagée. Il attise le feu du réel qui n’attendait, sans doute, qu’une étincelle, un coup de flash, un souffle.

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Klein danseur

William Klein apporte ainsi à l’histoire de la photographie une énergie et une physique nouvelle. Avec un aspect rude et percutant derrière lequel se cache un point de vue sur le monde plus délié et complexe. D’après ceux qui l’ont côtoyé, les images de Klein ressemblent à sa personnalité. L’artiste est réputé direct, rapide, tranchant, tout en étant aussi, en second rideau, attentionné et doté d’une grande intelligence sensible. Il y a comme cela, chez Klein comme dans ses œuvres, des couches successives et une fois le choc amorti, on distingue : de l’empathie, de l’humour, du ludique, de la tendresse. Provoquer le réel, c’est aussi jouer avec lui (notamment avec les enfants), danser avec lui…

Les images de Klein sont pleines de mouvements, de flux, de déséquilibres, et l’artiste a beaucoup photographié des danseurs, des performeurs, s’intéresse au butô japonais. L’utilisation de l’open flash lui perme, par exemple, des effets de "bougé" et une hystérisation dramatique des scènes enregistrées, que ce soit des mannequins en backstage d’un défilé de mode, des danseurs dans une rame de métro parisien ou des vitrines de magasins à Moscou… « Le geste de photographier est pour moi un moment de transe où l’on peut saisir plusieurs centaines de choses qui se passent en même temps et que l’on sent, que l’on voit, consciemment ou non » déclare Klein dans le Photo Poche qui lui est consacré aux éditions Actes Sud.

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Klein anar

« Chaque fois que Klein entre dans un espace, il le bouscule, il en change les règles » analyse Jacques Damez. Catalyseur-performeur, Klein fait bouger les lignes : il provoque (et n’attend pas !) « l’instant décisif » cher à Cartier-Bresson. Il bouscule les codes de la photographie en se rendant dans la rue et en se confrontant à l’âpreté de la vie urbaine (il est l’un des initiateurs de la Street Photography des années 1950 aux côtés de Robert Frank et de quelques autres), il invente de nouvelles manières d’éditer des livres de photos, avec notamment un ouvrage fondateur en la matière, New York publié au Seuil en 1956 (suivront ensuite Rome, Moscou, Tokyo, Paris). Il transgresse les frontières entre les disciplines passant de l'une à l'autre avec liberté : peinture, mode, publicité (les bas Dim lui doivent une pub TV fameuse), graphisme, cinéma (l’essentiel de son activité avec l’engagement politique de la fin des années 1960 à la fin des années 1970), photographie, édition… C’est comme peintre (abstrait) qu’il entre dans le monde de l’art après des études de sociologie aux États-Unis, un service militaire effectué en Allemagne et son installation à Paris en 1948 (ville qu’il ne quittera plus). Alex Libermann, directeur de Vogue, lui permet de financer ses activités photographiques et un séjour à New York en 1954, dont il reviendra avec un journal photographique qui sera refusé par les éditeurs américains mais accepté par Chris Marker, directeur de collection au Seuil et cinéaste. « J’ai grandi en lisant Dos Passos et je rêvais de parler de l’Amérique comme il l’écrivait (...) New York avait des comptes à me rendre. La ville m’avait toujours paru moche et inconfortable. Mes souvenirs étaient gris. J’ai eu l’idée de faire un journal photographique sur ce retour, pour confronter mon regard d’ex-New-Yorkais devenu Parisien à ma ville natale… » précise William Klein dans son livre rétrospectif William+Klein.

Il partira ensuite à Rome comme photographe pour le tournage d’un film de Fellini mais s’y ennuie et compose alors un nouveau livre, Rome, sorti en 1957. À partir de là, tout s’enchaîne pour l’artiste : projets de livres photographiques, expositions, films, commandes pour la mode…

Klein tenseur

Impulsif et perfectionniste, abstrait et figuratif, performeur et enregistreur de réel, alchimiste des corps et lecteur des signes symboliques des sociétés contemporaines, âpre et empathique, attiré par les foules mais lui-même anarchiste très individualiste (rejetant règles, groupes d’appartenance…), Américain et Européen… Klein échappe aux cases et son existence artistique est comme une ligne sous (haute) tension, une tentative d’organisation-révélation du chaos, un montage des contraires, une coupe dans le flux apparemment absurde et turbulent du vivant humain, urbain et social. Il est aussi celui (il n’est pas le seul, mais parmi les premiers, en photographie) qui jette une lumière crue et impudente sur l’inconscient de notre réalité, le rebut du monde et des villes : les gangs de jeunes, les fous, les mendiants, les quartiers mal famés, les bouches de métro, les dessous du monde de la mode… La vie est un tourbillon de signes, de corps, de visages et de forces antagonistes. Pour les saisir et les comprendre, ne serait-ce qu’un peu, il faut se mettre au diapason.

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