Benjamin Epps : « quelque chose qui rappelle le son tel qu'on le faisait il y a vingt ans »

Benjamin Epps + Vicky R

Le Kao

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Hip-Hop / Le MC originaire du Gabon contribue à faire remonter à la surface la vibe underground US et lui fait traverser la barrière des langues : ses textes ultra référencés et son flow singulier ont mis Benjamin Epps au centre de toutes les attentions. Échange avant son retour en terres lyonnaises.

On connait ton œuvre en tant que Kesstate, Benjamin Epps, voire Benjamin Epps 2.0. En comparant tes débuts à ta proposition actuelle, on observe une évolution vers un rap plus référencé, dans une vibe East Coast / boom bap. Comment se sont faites les transitions ?
Benjamin Epps : Je ne sais pas s'il y a effectivement une transition, parce que tout ça est naturel pour moi. J'ai grandi dans une maison où l’on écoutait beaucoup de rap. Cette culture n'est pas seulement de la musique. C'est aussi comment on la transpire et ce que l'on porte avec. Je comprends les gens qui ont peut être eu l'impression que c'était une posture, qui se sont posés des questions, notamment sur le fait que j'ai un tel bagage à 26 ans. Ça s'explique par le fait d'avoir baigné dedans dès mon plus jeune âge. Ce cheminement est une espèce de retour naturel de tout ce que j'ai pu absorber.

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Ton flow au début t'a valu le surnom de « Westside Gunn français ». Tu as ensuite proposé autre chose, tant au niveau visuel (Goom, Blizzard) que dans tes collaborations (avec Vladimir Cauchemar, Selah Sue ou la production inédite de DJ Mehdi chez Ed Banger). Ce sont des collaborations que tu vas chercher ou tu reçois des propositions ?
Je pense que tu dois être au courant : on a une petite équipe. Nous ne sommes pas une grosse machine. Nous essayons de faire les choses à notre échelle. La plupart du temps, ce sont des propositions qui viennent de l'extérieur. Selah Sue, c’était une offre que je ne pouvais pas laisser passer.

Best rapper in France

On retrouve une autre connexion internationale imprévue dans ton dernier projet : Jadakiss, immense rappeur new-yokais et ancien protégé de Biggie, qui te mentionne en tant que « best rapper in France » dans l'intro du titre Drillmatic. Quelle est l'histoire de cette dédicace ?
On a un ami en commun qui s’appelle Dayzle The Machine, qui est ingénieur du son chez The Lox (le groupe de Jadakiss). Mes morceaux sont arrivés à son oreille, sachant qu’il n'était pas du tout au fait de ce qui passe dans le rap français. Il a été agréablement surpris d’entendre un son assez proche de ce qu’il fait lui-même, en tout cas au niveau des influences. Je lui ai proposé une collaboration mais à cause de soucis de planning ça n’a pas pu se faire. Il était dans l’enregistrement d’un couplet pour l’album de Russ à ce moment-là. Malgré tout, il a quand même tenu à faire cette dédicace audio. J’ai été pleinement satisfait quand je l’ai reçue.

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On peut aussi y voir une passation de témoin vu son lien avec Biggie, que tu mentionnes dans tes titres.
Ouais totalement ! En tout cas, moi, c'est comme ça que je l'ai vécu. Avec The Lox, lls ont été longtemps sous la coupole de Puff Daddy. The Lox est d’ailleurs présent dans l’album posthume Life After Death.

À quoi s’attendre pour ce prochain concert à Lyon par rapport au précédent à Bizarre! ?
La tournée d'avant, on n’avait pas d’ingé son, pas d’ingé lumière. C'était essentiellement moi et le DJ. C’était quand même une prestation assez léchée, tant dans le choix de la tracklist que pour la performance. Cette fois, ce ne sera pas seulement moi sur scène, mais un ensemble de choses qui donneront une autre dimension à la pièce.

Des tee-shirts Wu-Tang Clan

Tu fais partie des noms qui ont ramené cette vibe old-school sur le devant de la scène. Nous avions interviewé un artiste local également sur ce créneau, qui a aussi fait un Colors. Il nous expliquait que ce regain d'attention était dû à une convergence des publics, dans le sens où les jeunes générations découvraient et que les anciens s'y retrouvaient. Tu partages cette observation ?
Ah oui, oui, je partage totalement ! Je pense que tu parles de Tedax Max, c'est quelqu'un que je connais personnellement, que j'apprécie. Pendant ma première tournée avec mon équipe, on se disait qu’on allait surtout se retrouver face à des mecs de 30, 40 ans avec des tee-shirts Wu-Tang Clan et des casquettes 59Fifty. C'était finalement pas le cas. La moitié des shows étaient remplis de jeunes, allant de 17 à 22, 23 ans, voire de ma génération. Ce regain est une bonne chose car ça va permettre aux autres dans ce courant d’en bénéficier. Je pense que les plus âgés aussi s'y retrouvent, parce qu'il y a quelque chose qui rappelle le son tel qu'on le faisait il y a vingt ans. Un bon mélange.

Je pense à cette phrase écrite dans la première chronique à ton sujet sur 90BPM : « avec nos vingt ans d'existence, on fait carrément partie des vieux que Benjamin Epps veut déloger. Tant pis, on aime quand même ce qu'il fait ». Qu’en penses-tu ?
Ce côté sans-gêne dans mes textes, ceux qui sont nés un peu avant les années 90 le comprennent. À l'époque, il n'y avait pas une guerre ouverte entre IAM et NTM par exemple, mais il y avait une compétition. C'est-à dire que quand NTM sortait un album, alors IAM voulait sortir un meilleur disque derrière. C'était à peine voilé, mais il n'y avait pas d'animosité. La différence, c'est que l’on vit malheureusement aujourd’hui dans une société de polémique et de clash. Quand tu as une phase qui sort un peu des clous, aujourd'hui, ça passe pour de l’arrogance. Alors qu’il y a une notion de performance avant tout.

Comme quand Fabe taclait Booba avec cette phrase : « des MC’s qui s’font la guerre sur des maxis parlent d’avoir du cash / N’ont pas assez pour prendre un taxi… » — allusion à son incarcération pour avoir braqué un taxi —. Booba lui a répondu en reprenant une autre rime du même morceau de Fabe et l’a commentée en la qualifiant de « rime de bâtard ». Il y avait un côté sportif / compétitif dans ces échanges et c’était le rap qui était au premier plan.
Exactement ! Les gens qui savent le savent. Heureusement, ils comprennent que c'est hip-hop, que ça fait partie du sport. Pas d'animosité, vraiment.

Benjamin Epps
Au Ninkasi Kao le jeudi 28 avril

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