Ciné Tamaris
DVD / Il aura fallu des années pour qu’Agnès Varda et ses deux enfants (Matthieu Demy et Rosaline Varda) parviennent à éditer l’œuvre de Jacques Demy dans son intégralité. Droits éparpillés (notamment pour les films américains), copies à restaurer, courts-métrages à exhumer : le parcours du combattant en valait la chandelle, car ce coffret de 12 DVD est un objet incontournable pour les collectionneurs, même ceux qui ne partagent pas forcément le culte Demy. Car on peut trouver son cinéma inégal, notamment ses films «en-chantés». Par exemple Une chambre en ville, où ce parti-pris flirte avec le grotesque (la charge des CRS sur les manifestants, ça passe ou ça casse !), et l’hallucinant Parking, dont le mauvais goût 80’s plombe à chaque image cette transposition moderne du mythe d’Orphée (avec Francis Huster dans le rôle principal, en plus !). Mais l’œuvre de Demy ne peut être réduite à ses tragi-comédies musicales, y compris les plus célèbres (Les Demoiselles de Rochefort, Peau d’âne et Les Parapluies de Cherbourg). On ne chante qu’une fois dans Lola, premier long et coup de maître témoignant d’une grande maîtrise formelle mais aussi d’une vraie sensibilité ; et on ne chante pas du tout dans La Baie des anges, peut-être le meilleur film de Demy, drame noir et blanc sur la Côte d’Azur où deux amants perdent la tête à trop regarder tourner les roulettes des casinos. Pas de notes non plus dans l’aride et remarquable Model Shop ; Demy y pose son regard sur une Amérique désenchantée alors qu’elle est pourtant en pleine libération morale. Voyageant au gré des commandes (passage au Japon pour le curieux Lady Oscar), Demy reviendra en France dans les années 80 pour signer ses trois derniers films. Trois places pour le 26, ultime et mélancolique réflexion sur le spectacle vacillant (avec Montand dans son propre rôle) mérite d’être redécouvert, tant ce film crépusculaire annonce non seulement la disparition de son auteur, mais aussi celle de l’idée qui aura porté toute sa carrière : la vie est plus belle quand on la rêve en grand. CC
