The King of New York

Abel Ferrara Carlotta

Frank White sort de prison, et c’est déjà un fantôme. Il monte dans une limousine, les lumières de la ville se reflètent sur les vitres et laissent apparaître son visage impassible. Difficile de voir en lui le «roi de New York» annoncé par le titre, un parrain du trafic de drogue portant un projet pour racheter ses crimes : fonder un hôpital pour les enfants des rues. L’introduction mélancolique du film de Ferrara laisse donc peu de doute sur l’issue tragique réservée à ce Robin des Bois qui arrive à tenir en respect les gangsters de toutes origines. Il ne lutte plus contre personne, malgré la violence qui l’entoure et la pression incessante d’une police bien décidée à le remettre à l’ombre dans le pire des cas, à l’abattre dans le meilleur. Frank White lutte avec lui-même, avec son âme tourmentée.

Avant qu’il ne croise la route d’Harvey Keitel et ne lui offre le personnage, encore plus déglingué, de son Bad Lieutenant, Ferrara avait choisi Christopher Walken comme l’incarnation la plus pertinente de son cinéma du pêché et du salut, version extrême de celui de Scorsese. Dans tous les films qu’il lui confiera ensuite, Walken sera toujours un ectoplasme, mafieux reclus et persuadé de sa damnation (Nos Funérailles), vampire cinéphile (The Addiction), financier évoluant dans un monde en cours de virtualisation (New Rose hotel). Depuis sa collaboration avec Cimino, il n’avait pas trouvé un cinéaste qui le regarde avec autant d’attention, qui cerne à ce point ce qu’il y a d’inquiétude mais aussi d’innocence chez lui.

King of New York, visible dans une nouvelle édition DVD et Blu-Ray remasterisée, est aussi un excellent polar, d’une sauvagerie inouïe et d’un désespoir tel que tous les personnages (et Dieu sait qu’ils sont nombreux) finissent par mourir à l’écran. Ce n’est pas un crime que d’en révéler la fin, elle est inscrite comme on le disait dès le prologue particulièrement lugubre et crépusculaire du film. Ce qui compte, c’est de voir avec quelle rage Ferrara orchestre cette marche funèbre et nihiliste, ce voyage au bout de la nuit new-yorkaise qui est sans doute un de ses meilleurs films.

Christophe Chabert

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 23 décembre 2014 D’Abel Ferrara (Ita-Fr, 1h24) avec Willem Daffoe, Ninetto Davoli…
Jeudi 2 janvier 2014 Ce mois-ci, la Ciné Collection propose dans les salles indépendantes de l’agglomération rien moins qu’un des plus beaux films du monde, mais aussi un des (...)
Mardi 22 janvier 2013 De Martin McDonagh (Ang, 1h50) avec Colin Farrell, Woody Harrelson, Sam Rockwell, Christopher Walken…
Vendredi 14 décembre 2012 Entre supposées prédictions mayas, sortie de "4h44, dernier jour sur terre", le nouveau film d'Abel Ferrara, et soirées labellisées «fin du monde», tout semble converger vers un 21 décembre apocalyptique – même si on ne fera que s'y bourrer la...
Mardi 11 décembre 2012 Si l’on devait mesurer la qualité d’un film à la sincérité de son auteur, il n’y aurait aucun doute : 4h44 est un chef-d’œuvre, Abel Ferrara ayant (...)
Jeudi 11 octobre 2012 Morceau de choix pour terminer le festival : la version restaurée et intégrale de "La Porte du Paradis", film maudit devenu film mythique, date-clé de l’Histoire du cinéma qui marque la fin d’une utopie hollywoodienne mais aussi le purgatoire d’un...
Jeudi 1 décembre 2011 Avec un certain sens de l'oxymore, la Salle de Bains propose une petite séquence de «comique géométrique» rassemblant des œuvres de quatre artistes. (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X