Le Mur invisible

Le Mur Invisible
De Julian Roman Pölsler (All, 1h48) avec Martina Gedeck, Wolfgang Maria Bauer...

Étrange et beau film de Julian Roman Pölsler adapté d’un classique de la littérature autrichienne, où une femme se retrouve seule et coupée du monde, tiraillée entre son humanité et le retour à l’état de nature. Christophe Chabert

Il y a donc en Autriche une alternative à l’ombre écrasante de Michael Haneke. Pourtant, Julian Roman Pölsler, dont c’est le premier film pour le cinéma après une longue carrière à la télévision, est un camarade de promotion d’Ulrich Seidl, sorte d’avatar cauchemardesque et misanthrope du maître, et Haneke a servi d’intermédiaire entre le cinéaste et Juliette Binoche, d’abord intéressée par cette adaptation d’un roman de Marlen Haushofer — finalement pas disponible, elle a laissé le rôle à Martina Gedeck, d’autant plus remarquable qu’elle est quasiment seule à l’écran.

L’argument a tout de la fable fantastique : une femme part avec un rentier hypocondriaque et son épouse se reposer dans un chalet à proximité des Alpes autrichiennes, cuvette bucolique encadrée par de hautes montagnes et un lac d’altitude. Le couple part se promener au village voisin, la laissant seule dans la maison. La nuit passe, ils ne sont toujours pas rentrés. Elle part à leur recherche mais se heurte à une barrière invisible, au-delà duquel le monde et les êtres semblent pétrifiés.

Kafka into the wild

Pölsler fait d’abord le vide autour de son personnage : vide spatial et affectif, mais aussi vide temporel. On ne saura rien de son passé et le film lui désigne comme unique point de fuite le moment où elle écrit son journal pour relater ce long emprisonnement et son progressif retour à l’état de nature. Le passage des saisons, la manière dont elle organise sa survie et conserve sa part d’humanité au contact des animaux qui l’entourent (un chien, deux chats, une vache puis son petit taureau, tous de véritables comédiens à la présence étonnante à l’écran, notamment Lynx, le propre chien de Pölsler !), sont captés par le cinéaste avec un habile dosage entre cinéma contemplatif et dramaturgie à suspense, avec quelques pointes spectaculaires inattendues.

Comme la rencontre entre Kafka et Into the wild, Le Mur invisible impressionne par l’extrême précision avec laquelle il saisit l’abîme métaphysique qui engloutit cette femme, créant un schisme fascinant entre la voix-off méditative et la beauté concrète des images, comme l’ultime rempart à un environnement hostile et étouffant.

 

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