ENFANTS DU ROCK

Chaque édition du festival Just Rock ? nous réserve son lot de découvertes et révélations. La preuve en cette troisième édition avec le New-Yorkais Fredo Viola, vendange tardive de talent pur révélé par ‘The Turn’, où sa voix fait des merveilles. Focus de rigueur. Stéphane Duchêne

Dans un monde de plus en plus peuplé de Zak Laughed, de Coming Soon, de Sliimy, bref d’ados chantants et de trop jeunes génies, Fredo Viola est une anomalie. Révélation de l’année 2009 avec ‘The Turn’, qui marque sans aucun doute un tournant aussi bien dans la manière d’envisager la pop que dans la vie de son auteur, ce New-Yorkais né à Londres est à un souffle de ses quarante ans. D’exemples d’éclosions si tardives, il n’y a guère. Même Leonard Cohen était plus jeune. Et pourtant à l’âge d’un Zak Laughed, à celui où Sliimy chantait pour ses peluches à Saint-Étienne, Fredo Viola était déjà chanteur. Dans un chœur classique de garçons, façon «Les Choristes à New York». De cette expérience, Fredo a gardé de mauvais souvenirs et aussi une capacité de maîtrise absolue de sa voix. Mais bien plus que la chorale, c’est la découverte, peu de temps après, de l’hindouisme et de ses chants rituels qui lui a donné le virus du chant : «L’hindouisme a eu une grande influence sur moi. J’aimais beaucoup psalmodier jusqu’à la transe, quand on se perd soi-même dans les voix. Ça ne m’a jamais quitté». À l’écoute de ‘The Turn’, album très vocal, fait de boucles psalmodiques et d’harmonies en arpège, c’est l’auditeur qui se perd volontiers dans des voix impénétrables de pureté. Oscillant entre transe douce et berceuse sensorielle, cette musique inclassable tourne sur elle-même, tribale et sacrée, se perd dans des montagnes russes de textures sonores. Elle est pourtant née dans une antre hermétique dont elle aurait pu ne jamais sortir. Cave à musique
Car si Fredo Viola a attendu cet âge «canonique» pour embrasser le succès, c’est qu’il s’est longtemps caché : «Il n’y a qu’une seule et unique raison au fait que je ne me sois pas manifesté avant : la peur. J’ai passé une partie de ma vie terré chez moi dans la crainte de n’être jamais accepté. Jusqu’à il y a six ans, j’ai développé mon petit artisanat dans mon coin, terrifié à l’idée de le partager». Et puis le net est passé par là, sur lequel il a commencé à distiller quelques-unes de ses pépites, à échanger avec d’autres, bien à l’abri de sa cave à musique : «Ce qui est à la fois génial et affreux avec Internet, c’est qu’on peut y exister sous couvert d’anonymat. Cela m’a permis de m’enthousiasmer pour le travail des autres sans trop me découvrir. Et quand je me suis trouvé plus à l’aise avec tout ça, j’ai pu aller davantage vers les autres». Du net, on le sait, est née plus d’une réputation, et c’est là que Fredo a fait la sienne : buzz montant, label, disque encensé par une presse bluffée par sa manière de digérer des influences allant de Benjamin Britten à Harry Nilsson, de Bartok à Kate Bush. Mais qui dit buzz, label, disque, dit scène. Et bien que Fredo Viola a livré sur le net, depuis chez lui, quelques très jolis live et clips improvisés, on ne fait pas une tournée depuis son salon. Là encore, il a fallu franchir le pas, immense pour celui qui jusqu’à un passé récent n’avait plus donné de concerts depuis la chorale, soit dans une autre vie : «J’étais pétrifié à l’idée de jouer live. J’ai fait beaucoup de cauchemars à ce sujet. Pour moi c’était une torture jusqu’à il y a six mois. Mais après une bonne vingtaine de concerts, j’ai chopé le virus. Le public est l’ingrédient le plus précieux de l’expérience musicale. Je m’en veux énormément d’avoir vécu si longtemps sans m’en apercevoir». Seconde vie
Sur scène, ce maniaque de la composition peut aussi donner une seconde vie à ses chansons : «C’est très excitant de toucher au cœur d’une chanson avec d’autres musiciens. Ils ne se contentent pas de jouer ce qu’on leur dit, ils ont besoin de trouver eux-mêmes et bien souvent ils proposent des idées très intéressantes qui emmènent la musique vers d’autres territoires». Ces musiciens, Fredo ne les avait pourtant jamais rencontrés peu avant le début de la tournée. Et pour cause, trois d’entre eux viennent de Manchester, y formant le groupe I Am Your Autopilot, le quatrième de Lyon, en la personne de Scalde. Rencontres Internet bien sûr, devenues coups de foudre artistique, où quand Myspace se fait Meetic pour musicos. Fredo le sait très vite : c’est ces quatre-là qu’il veut en tournée. À l’écoute des œuvres de chacun, c’est effectivement une évidence, comme le montrent répétitions à distance et nombreux «concerts privés» fleurissant sur le net. Mais pour Fredo Viola l’évidence est aussi ailleurs : «nous ne nous étions jamais rencontrés et pourtant nous nous sommes immédiatement sentis comme des frères». Pour un type qui a passé une partie de sa vie terré chez lui, ça doit vouloir dire quelque chose. Fredo Viola + Patrick Watson
À L’Épicerie Moderne, le 4 novembre
The Turn (Because Music)

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