Erik Arnaud était apparu il y a dix ans avec deux albums plein de fiel, "© 1998 Amerik" et "Comment je vis". Exercices déprimants mais édifiants, plein d’un cynisme excessif mais roboratif par leur énergie du désespoir. Après diverses collaborations (Florent Marchet notamment) le revoici en son nom propre avec "L’armure". Le moral ne semble guère plus au beau fixe comme en témoigne le morceau d’ouverture, "Cheval" (une femme excédée accable son compagnon), mais les griefs d’Arnaud à propos de la vie (de couple notamment) ont quelque chose de plus adulte et sophistiqué. Si les mots, toujours tranchants, paraissent plus posés, c’est que production et compositions ont pris ampleur et élégance, manière de fendre "L’armure" justement. Preuve aussi que la démarche d’Erik Arnaud n’est pas à sens unique : "Rocco", l’histoire d’un sosie de Rocard membré comme Rocco Siffredi (un pitch qu’on aimerait voir adapté au cinéma par Albert Dupontel). Néanmoins, si le médiateur de la République, auteur en début d'année d’un rapport alarmant sur notre société du «chacun pour soi», est effectivement supprimé comme il en est question, il restera toujours, pour constater les dégâts, les disques d’Erik Arnaud, ce Jean-Paul Delevoye du rock français, martelant comme un mantra : «on est seuls à vouloir vivre à deux». Ou avec les mots de Manset sur Vies Monotones : «Y a plus qu’à tirer la nappe à soi, continuer chacun pour soi». SD
