Mille et une nuits

La nuit lyonnaise n'a pas toujours été à la fête. Dans la décennie qui a précédé la création des Nuits sonores, Lyon était surtout connue pour être le bastion de la répression, les “raves“ d'alors faisant l'objet d'une vigoureuse chasse aux sorcières. Agoria, qui a connu les temps durs et les temps forts, de l'annulation de Polaris à l'apogée de Nuits sonores, revient sur deux décades qui ont changé la condition des Dj's. Propos recueillis par Stéphanie Lopez

Le Petit Bulletin : Vous avez découvert l'électro au début des années 90, en organisant quelques soirées du nom d'Agora et en “ravant“vous-même dans ces clubs anthologiques qu'étaient la Gare Centrale et l'Hypnotik.Comment décririez-vous la scène nocturne de cette époque ?
Agoria:C'était une période difficile, on était en pleine vague de répression, même si quelques lueurs pointaient.C'était l'époque des rendez-vous sur une aire d'autoroute, des infolines, des vers luisants à la recherche d'un lieu de festivités qui parfois n'existait pas. C'était l'époque où les commissions de sécurité annulaient une soirée techno, même en club, sous prétexte qu'une prise de courant était trop proche d'un évier ! C'était frustrant et donc excitant. Cela a formé des irréductibles devenus pour la plupart des collègues ou amis. Un acteur majeur de cette période est Cyrille Bonin. En créant Kubik, il a distribué des disques techno du monde entier, mais aussi des artistes rhônalpins. Kubik était une sorte de coopérative, un village gaulois, qui oeuvrait pour la défense d'un Michigan français. On se retrouvait dans un hangar de la zone industrielle de Corbas avec Kiko, Oxia, The Hacker, Miss Kittin, Miloch, Strat, P. Moore, Marc Twins, Pat du Peuple de l'Herbe et d'autres petites gloires locales. On écoutait des vinyles de Detroit, les nouveaux Underground Resistance, on parlait des exploits du week-end, on se chambrait... Enfin c'était surtout eux qui me chambraient ! C'était le boum de Goodlife à Grenoble, d'UMF et Kubik à Lyon, Tekmics à Annecy, Mental Groove à Genève, Ozone à Valence. Nous faisions tous beaucoup de musique car nous ne jouions pas beaucoup en soirées.Du coup on avait du temps, et c'est sans doute pour cette raison, d'ailleurs, que de nombreux artistes techno sont issus de la région Rhône-Alpes.Cette éclosion d'artistes a-t-elle été suivie d'une recrudescence de soirées ?
Lyon n'a pas encore de réelle culture club suite à cette vague de répression, qui a laminé toute une génération de joyeux entrepreneurs.Mais la scène lyonnaise est en train de s'en donner les moyens. Aujourd'hui, de nombreux acteurs, bien organisés, motivés, aidés, font de plus en plus de choses intéressantes.Ils ont surtout commencé à éduquer une nouvelle génération. Nuits sonores, Hypnotik, le DV1, L'ambassade, le Sound Factory, la Marquise essaient tous de dynamiser les nuits lyonnaises à leur manière. Et ils semblent y parvenir. Un nouveau club à Lyon ? C'est une sorte d'Arlésienne! Mais je crois que le public lyonnais connaît mieux la musique électronique aujourd'hui ; il est devenu plus pointu, plus érudit. Un autre point clairement positif est le soutien de la Région et de la Ville aux producteurs de disques et aux organisateurs de soirées.On dirait qu'il y a eu une réelle volonté d'inverser la tendance répressive, au tournant des années 2000, les choses ont réussi à bouger...
Oui, beaucoup de choses sont devenues possibles grâce aux personnes passionnées qui ont cru en leur projet, coûte que coûte, et qui ont foncé. Peu importe les détracteurs.Do it ! C'est une question d'énergie, autant que d'opportunités.Et bien souvent l'un va de paire avec l'autre. Le changement des mentalités politiques au début des années 2000 a bien sûr aidé, la clairvoyance de Gérard Collomb à l'égard de Nuits sonores en est un bel exemple. Je suis bien obligé de parler une minute de Nuits sonores, puisque c'est un projet que j'ai en partie initié. C'est la rencontre de cinq passionnés de musique qui se découvrent (Cécile, Fréderique, Violaine d'Arty Farty et de Vincent Carry et moi), qui militent pour un vrai projet artistique, et qui font tout pour que ce projet aboutisse.Sincèrement, je n'aurais jamais cru que le festival prendrait une telle ampleur. J'étais là à la genèse du projet, je ne suis donc pas pour grand-chose dans sa réussite globale.Cette réussite tient en grande partie aux convictions du bureau d'Arty Farty et de Vincent Carry. Je pourrais également citer Jarring Effects, que je connais moins car ce n'est pas réellement ma scène musicale, mais ils ont évidemment fortement contribué au dynamisme lyonnais de cette décennie. Tant avec leur label, leurs groupes (HighTone, Ezekiel...) que leur festival Riddim Collision.Quelles sont les soirées lyonnaises qui vous ont le plus marqué depuis que vous êtes Dj ?
Celle qui m'a le plus marqué est totalement anecdotique au regard de l'histoire de la nuit lyonnaise. Et c'est sans doute pour cela que je l'aime autant. C'est une rave qui portait bien son nom, Osmoze, et que mon ami Dimitri (fantastique organisateur des années 90) avait mis sur pied. Il avait créé le collectif Bande Sonore, qui regroupait plusieurs Dj's. L'atmosphère d'Osmoze a été électrique de la première à la dernière seconde. Sans explications.Juste l'instant et le plaisir partagé de 500 ou 600 danseurs. Sinon évidemment, toutes les éditions des Nuits sonores et des Échos sonores sont très présentes dans ma tête...Mais ai-je vraiment besoin de le préciser ?AGORIA
Au Marché Gare, vendredi 3 juin, dans le cadre de Nuits sonores

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