Benjamin Gibbard

Former Lives (City Slang/Pias)

Benjamin Gibbard, chanteur et leader de Death Cab For Cutie, c'est un peu notre assistant d'anglais, le type qui articule bien ses phrases, le type normal qui ressemble au voisin de palier mais dont toutes les filles et certains garçons sont amoureux au lycée – alors que pourtant il n'a pas vraiment un physique à tout casser.

 

 

Le truc c'est que là, notre pauvre assistant d'anglais, celui qui a toujours si bien parlé d'amour et offert tant de « c'est notre chanson » à des milliers de couples sur les campus des facs américaines, s'est fait larguer comme une vieille tong trois fois dans les huit dernières années (c'est notre passage Closer mais il se justifiera dans quelques lignes). Dont une par Zooey « Paul » Deschanel – oui, il paraît qu'elle est un peu zinzin, en tout cas elle en a l'air et on l'imagine tout à fait tomber d'un train en pyjama ; chacun ses fantasmes.

 

 

Or s'il y a bien une chose dont un homme normalement constitué se remet moins bien que d'être avec Zooey Deschanel (ZOOEY DESCHANEL, mec !), à part orthographier correctement son prénom (il y a deux « o » à « Zooey » car c'est un adorable petit animal), c'est bien de se faire larguer par Zooey Deschanel. On imagine que le Ben n'est pas ressorti indemne d'une telle épreuve. Il aurait pu replonger dans l'alcoolisme qui le rongea pendant un moment, jusqu'en 2008 année où il se mit au marathon et à Zooey – oui, on sait, un mythe tombe : imaginer Ben Gibbard alcoolique c'est comme voir Richard Bohringer réclamer un Fanta au bar du Crillon.

 

Bigger Love

Au lieu de ça, le chanteur de Death Cab For Cutie s'est ultimement soigné avec ses albums, comme beaucoup d'autres avant lui – les derniers exemples les plus poignants étant Bon Iver et Keaton Henson, un type dont on vous reparlera si la Providence nous en donne l'occasion – autant vous dire qu'elle a intérêt. Le dernier Death Cab for Cutie, Codes & Keys, en avait d'ailleurs attesté puisque de l'aveu même de Gibbard, il était déjà largement inspiré de son divorce d'avec la Zozo.

 

 

Former Lives (« Les Vies d'avant », preuve que Benny n'est pas tout à fait guéri, sans quoi il aurait appelé son album Don't Look Back ou Run Forrest Run), est donc aussi un album d'amour déçu et de reconstruction, sur lequel on retrouve cette voix un peu cul-serré qui nous aura tellement appris à poser les diphtongues et les accents toniques avec Death Cab For Cutie ou The Postal Service.

 

Sur Bigger than Love, plat de résistance de l'album à tous points de vue, Gibbard s'inspire, dans un duo avec Aimee Mann de la correspondance entre Zelda Fitzgerald (autre grande amoureuse folle, flanquée d'un « Z » comme zinzin) et de son F. Scott de mari (alcoolique, fou d'amour et désespéré de sa belle). La chose est assez bien vue d'autant que Gibbard y surjoue dans le chant, le petit garçon perdu, face à Aimee Mann dans le rôle de l'amoureuse qui rend fou. Manière d'exorciser sa souffrance par sa mise en scène ? Sans doute, on se souvient par exemple d'un des titres phares de Death Cab for Cutie dans le clip duquel Gibbard chantait sur une table d'opération tout en se faisant disséquer par les membres de son groupe.

 


Death cab for cutie - Title and registration par s_tancredi

 

Preuve, si vous voulez notre avis, qu'il n'y a pas de chanteur plus heureux, ou en tout cas de Gibbard plus heureux, que quand il est malheureux et à même de trifouiller à mains nues dans ses tripes et dans son âme pour y trouver ce qui a bien pu branler dans le manche pour foirer à ce point – contrairement à Codes & Keys, il n'est pas ici question que de Zooey Deschanel, juste d'un gars qui a enchaîné les tuiles. Le Gibbard étant une espèce assez bileuse derrière son masque de gentil assistant d'anglais on eut pu craindre le pire et la chose virer au règlement de comptes (auquel cas on aurait quand même pris le premier avion pour aller venger l'honneur de Zooey et de ses grands yeux en forme d'océan où flotte une mystérieuse île noire).

 

Cœur brisé mais battant

Mais si le songwriter pose ses abats sur la table, cœur battant et brisé à la fois au milieu, brisé mais battant, c'est pour mieux se concentrer sur les chansons elle-mêmes, dénuées des habituels ornements dont il est friand avec DCFC et plus encore avec The Postal Service (qui a dû être privatisé puisque plus rien ne nous est parvenu de ce projet depuis des lustres, ce qui est fort dommage).

 

Peut-être leur manque-t-il, à ces chansons, c'est malheureux à dire, ce qu'en aurait fait un Ben Gibbard encore alcoolique, une noirceur moins ambiguë dont il nous livrerait un sous-texte plutôt qu'un sur-texte parfois un peu trop premier degré – lui pourtant si doué en ambiguïté – et les fameuses déclarations, évoquées plus haut, pratiquement devenues arguments de vente : « Ces chansons s'étalent sur huit ans, trois relations amoureuses, deux maisons, une période d'alcoolisme et celle où j'ai arrêté de boire ». Mais au moins ne se perd-il pas dans une mélancolie doucereuse façon Bisounours et les morceaux, épars, sont là, portant la marque de Big Star, des Byrds (et donc de Teenage Fanclub), du Band ou de Grant Lee Buffalo. Formers Lives, comme un retour au source en quelque sorte.

 

 

Comme il fait partie de ces figures de la pop indé avec lesquelles on a nous même émotionnellement grandi (ou qui nous ont fait rester de grands ados attardés, c'est au choix), on ne voudrait pas lui souhaiter davantage de mal, mais, c'est un fait, Benjamin Gibbard devrait se faire larguer plus souvent – même si trois fois en huit ans reste une bonne moyenne pour un homme de son âge. Autre fait évident : cette Zooey doit vraiment être une sacrée nana : sur l'intro de l'album, un a cappella bondissant, Sheperd's Bush Lullaby, ces mots comme un mauvais rêve : "As you sleep an ocean away / Know that I love you / My every thought is of you / The clouds are beginning to break".

 

Ce genre de fille-là.

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