JB Guillot : « L'indépendance, c'est mon petit combat à moi »

10 ans Born bad records

Marché Gare

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Entretien / Alors que le label Born Bad fête ses dix ans, avec notamment une tournée française ponctuée d'une triplette de concerts lyonnais, son fondateur, le truculent JB Guillot, revient sur une décennie d'activisme discographique durant laquelle les choix artistiques gagnants et la défense à tout crin de l'indépendance l'ont élevé au rang de modèle.

Quand tu as créé Born Bad il y a dix ans, y avait-il une forme de pari et de résistance par rapport à la crise du disque et à l'expérience, mauvaise, que tu avais pu avoir en travaillant comme directeur artistique d'une major ?
J.B. Guillot : Oui, j'ai nourri une certaine frustration à travailler en major pendant une dizaine d'années. Quand j'ai été licencié, je voulais aller au bout de mon idée de ce que devait être un label et j'ai consacré une partie de mes indemnités à Born Bad. La crise était alors à son maximum. C'était l'époque du téléchargement ultra-violent, du peer-to-peer. Il n'y avait même pas vraiment d'offre légale, de Deezer, de Spotify, Itunes était balbutiant. Faire un label de rock en France, ce n'était pas forcément évident. On n'a jamais été un pays très à l'aise avec ce genre musical. L'empreinte de Noir Désir, de Téléphone, de Louise Attaque était tellement forte qu'on avait l'impression qu'il était impossible d'y faire exister autre chose.

Comment survit-on pendant dix ans dans ce contexte ?
Déjà, on vend des disques, c'est la base. Énormément de gens en sont incapables. Ça s'est même raréfié alors que c'est le cœur de métier d'un label. Si tu as des cartons de disques dans ton salon et que tu ne te bouges pas le cul, personne ne va venir les chercher. Ma force, c'était d'avoir les compétences acquises en major pendant dix ans, et en même temps cette maîtrise parfaite des codes des circuits alternatifs, dans lesquels je traîne depuis mes 14 ans. Ce cumul de compétences est assez rare : soit tu sais comment ça marche parce que tu bosses en major mais tu cours après une street-credibility, soit t'as la street-cred' et tu ne sais pas comment t'y prendre parce que t'es un gland et que tu fais ça le soir en sortant du boulot. Moi j'ai pu jouer sur les deux tableaux.

Est-ce qu'aujourd'hui, tu es surpris par ce qu'a pu devenir le label, l'intérêt qu'il suscite ?
En réalité, c'est très surestimé. Le label peut donner l'impression d'être un mastodonte, un empire, mais je continue à le faire tout seul avec l'aide de Clarisse Vallée [relations presse, NDLR]. Born Bad ça n'existe pas en fait (rires). En tout cas, c'est loin d'être aussi massif que les gens ne le pensent. La résonance du label est due à sa politique artistique. Les labels indépendants sont très souvent prisonniers des niches dont ils sont issus. Ils creusent toujours les mêmes sillons. Moi j'ai fait voler tout ça en éclats. Je fais un label rock'n'roll au sens où je l'entends, c'est-à-dire libre. Je ne travaille qu'avec des groupes entiers et radicaux mais la radicalité n'est pas l'apanage des groupes de garage. Avec moi, si tu fais une musique géniale mais que je ne me sens pas en phase avec toi, qu'on n'a pas les mêmes envies, je ne te signerai pas.

À l'inverse y a t-il des groupes DIY qui rechignent à s'associer avec un label aussi indépendant que Born Bad ? Des groupes que tu aimerais signer...
Il y en a plein. Je trouve que la période est faste pour la France. On n'a jamais eu une scène aussi vive, quel que soit le type de musiques : chanson, rock, garage, punk... C'est inédit. Mais certains artistes ont l'impression que la promo, l'investissement, l'énergie que je vais mettre pour les valoriser va les rendre redevables.

Tu as toujours été réfractaire à faire distribuer tes disques par une major comme le font certains petits labels indés...
Je suis un pur produit du circuit alternatif, j'ai grandi là-dedans, c'est mon sérail, c'est ma famille. Je suis un rocker, comme on dit. Être le vassal de majors, ce n'est pas le signal que je veux envoyer. Les majors ne savent pas vendre des disques comme les nôtres. JC Satan, en major, ça n'a aucun sens. Les savoirs et les réseaux sont différents. Et si je devais faire un Jul, j'en serais bien incapable. Ce qui me gonfle, c'est quand les majors récupèrent les codes de l'indépendance parce qu'ils font écho à des valeurs d'authenticité, d'intégrité. C'est devenu une posture marketing. Moi j'essaie de tenir un cap coûte que coûte. L'indépendance, ça veut bien dire ce que ça veut dire, dans le Petit Larousse, c'est clair : on travaille seul. À la rigueur, on s'associe à des gens qui partagent les mêmes valeurs. Mais dès lors qu'on travaille avec une major, ça me semble compliqué de continuer à revendiquer cette notion d'indépendance. Il y a plein de gens qui s'en foutent, qui trouvent ça puéril. C'est mon petit combat à moi.

Forever Pavot + François Virot
Au Marché Gare le vendredi 5 mai

Frustration + JC Satan + Magnetix + Usé
Au Transbordeur le samedi 6 mai

Groupe Doueh & Cheveu
À l'Épicerie Moderne le jeudi 25 mai

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