Avec le Nimis Groupe, l'humanitaire face business au Théâtre de la Croix-Rousse

Portraits sans paysage

Théâtre de la Croix-Rousse

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Sens Interdits / Le Franco-Belge Nimis Groupe explore la façon dont la gestion des migrants en Europe est aussi un business. Très documenté, leur travail était consacré aux frontières en 2015. Ils reviennent à Sens Interdits en explorant la question de l’enfermement. Rencontre avec une des membres du collectif avant la création de Portraits sans paysage. 

Est-ce qu’en créant Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu il y a six ans, vous saviez que vous prolongeriez ce travail ?
Anne-Sophie Sterck
: Non. Le processus de Ceux que j’ai rencontrés… nous a surpris. C’est la rencontre avec des demandeurs d’asile qui a fait que nous sommes allé au bout d’un spectacle, mais il n’y avait pas l’idée formulée collectivement de s’inscrire dans une continuité. Pourtant, il y avait déjà une séquence sur l’enfermement, l’équivalent des centres de rétention en France (il y avait 50 000 personnes enfermées par an avant le Covid et entre 8000 et 10 000 en Belgique). On ne l’avait pas développé mais ce sujet nous avait touchés et impactés parce qu'une des comédiennes, pendant la création, avait été arrêtée et placée en centre fermé. Ça avait été un choc.

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Cinq ans de travail en amont de la création de Ceux… : c’est colossal. Y a-t-il eu le même travail d’enquête pour Portraits sans paysage ?
Oui, nous avons commencé les recherches pour ce spectacle il y a quatre ans. Assez rapidement on s’est dit qu’on voulait être plus vite au plateau, tester des formes différentes. On a rencontré encore plus de gens (constructeurs de containers, travailleurs dans les camps, employés du HCR…) que pour Ceux…

Mais certains comme les architectes des centres fermés à Bruxelles n’ont pas voulu nous parler et c’est justement parlant. Il y a aussi parfois des clauses de confidentialité. Concernant les centres de rétention, seules les personnes qui y sont allées peuvent témoigner. Il y a tout un autre pan lié au business à ce sujet. On a eu la chance de rencontrer un documentariste journaliste, Nicolas Autheman, auteur de Réfugiés, un marché sous influence. Il avait énormément de rushs dont il ne s’était pas servi et on a beaucoup partagé la matière avec lui. Il nous a informé qu’un salon de l’humanitaire se tenait à Bruxelles. Certains de notre groupe Nimis y sont allés voir les entreprises de biométrie ou Ikéa (et ses tentes en kit) qui vendent leurs services au secteur de l’humanitaire.

Est-ce que cela sera évoqué ?
Oui. Le trajet du spectacle part de l’enfermement des étrangers en Europe et d’une confusion entretenue par les médias ou les politiques entre accueil et enfermement, car l’accueil se traduit par des gestes d’enfermement. Ensuite on fait un détour — qui n’en est pas un — par le business de l’humanitaire, les rapports de force et de domination qui se perpétuent dans ce domaine et les enjeux économiques ; montrer qu’aborder ces questions d’un point de vue seulement humanitaire (apporter un lit…) masque des questions structurelles et politiques, car on refuse de donner les mêmes droits à ces personnes.

C’est documentaire et documenté

Diriez-vous que vous faites du théâtre documentaire ?
Cette question est difficile car je ne sais pas bien ce que c’est. C’est documentaire et documenté. On se saisit de ces paroles-là et on en fait du théâtre.

Il n’y a que des comédiens professionnels cette fois-ci ?
Presque ! Dans Ceux… il y avait six demandeurs d’asile et sept Européens. Deux des demandeurs d’asile de l’époque poursuivent l’aventure avec nous et ont désormais leurs papiers. L’une avait déjà fait du théâtre avant de venir en Europe et on pourra bientôt la voir dans un long-métrage ! L’autre est devenu assistant social, il est à la fois comédien et une personne ressource car il a travaillé dans des centres d’accueil d’urgence à Bruxelles. Il y a aussi une comédienne sénégalaise qui est en Belgique depuis un an mais qui joue depuis longtemps dans des spectacles en Europe et qui nous a rejoints.

La création se fera en mai 2022 au Théâtre National de Wallonie-Bruxelles. Que verra-t-on à Lyon ?
C’est une étape de travail, mais on a essayé de tenir un propos car c’est un sujet complexe dramaturgiquement. On a fait une toute petite étape en décembre 2019 pour raconter notre démarche puis ensuite on a montré la matière au fil des étapes de travail. À Lyon, il y aura une pensée qui essaie de s’articuler sous forme de spectacle. C’est l’ébauche d’un spectacle brossé à grands traits avec encore beaucoup de manques et d’imperfections. Il nous restera six semaines de travail avant la création !

Portraits sans paysage
Au Théâtre de la Croix-Rousse le vendredi 29 à 20h et le samedi 30 octobre à 16h
Dans le cadre du festival Sens Interdits

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