«Je ne suis pas un auteur à hypothèses»

Interview / Zahia Rahmani, née en Algérie d’un père harki, est arrivée en France en 1967. Dans “France récit d’une enfance”, elle narre les paysages tumultueux de sa construction. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Vous faites le récit de votre construction à travers souvenirs, travail de mémoire. En quoi était-il important, pour vous, d’écrire ce livre ?Zahia Rahmani : Tous les livres sont importants, au moment où on les fait. Je pense qu’à ce moment-là, il y avait deux urgences : l’une était la confrontation avec la question de la mort de ma mère. Ce qui a fait surgir en moi un sentiment de panique, une peur, et la question du territoire. C’est-à-dire, je me suis retrouvée, de fait, convaincue d’être dans un territoire, parce que j’y avais été emmenée, et je ne m’étais pas vraiment posée cette question-là, tant que la mère vivait. C’était ma patrie. D’autre part, les commentaires cumulés ces dernières années sur les individus venant de pays musulmans et plutôt du Maghreb, l’histoire du voile, les émeutes, ne me laissaient pas de répit. En ce sens où moi, je suis arrivée en France en 67, et je n’imaginais pas dans les années 70 d’être confrontée, 20 ou 30 ans plus tard, à une nécessité de dire : je suis d’ici. Et donc dire, je suis d’ici, cela signifiait pour moi raconter comment j’avais grandi dans cette campagne française. Le “je suis d’ici”, cela ne veut pas dire raconter un attachement, ni dire “je suis profondément picarde ou autre”, c’était dire, ce que j’ai en mémoire moi de mon enfance et de mon adolescence ancrées dans un territoire donné qui appartient à l’Hexagone. Et ça, on ne pourra pas me le défaire.Votre écriture est à la fois sobre, vive, vous circulez entre les temps. Une forme d’abstraction s’en dégage.Oui. C’est juste. J’aime jouer sur les temporalités, les déconstruire. Ce n’est pas une lecture sécurisante. Ensuite, la question de l’écrit chez moi est vraiment liée à la formation intellectuelle, esthétique, politique. C’est ce qui m’emmène à écrire comme ça aujourd’hui : c’est-à-dire sans gras, sans un décor littéraire qui serait peut-être le témoin de mon impuissance à dire quelque chose du monde. Je travaille une écriture tendue, mais parce que je viens de l’Art contemporain et de l’Art Abstrait. Je viens du 20e siècle. Je n’aime pas qu’il y ait un point central dans la surface du texte. Je veux que tout le texte subisse un traitement qui soit équivalent. Je ne suis pas un auteur à hypothèses.Zahia Rahmani Rencontres avec l’auteur le 16 mars à 14h30, Biblothèque Centre-Ville et à 18h30 Bibliothèque Barnave. Le 17 mars à 16h, Bibliothèque du Centre-VilleLivre : “France récit d’une enfance“ (Ed. Sabine Wespieser)

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Connaître...

Vendredi 22 avril 2022 La Cinémathèque de Grenoble propose une visite guidée passionnante sur les traces des anciennes salles obscures du centre-ville. Place Grenette, avenue Alsace-Lorraine, rue de Palanka… une petite promenade instructive mêlée d’anecdotes amusantes.
Lundi 14 mars 2022 Revue de bande dessinée "bizarre", inspirée par le versant le plus expérimental du manga, Hikikomori est née de l’imagination de Gabriel Hernandez : « (...)
Mardi 1 mars 2022 "Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ?" C’est la question-titre du livre d’Emmanuel Pont, sorti il y a une dizaine de jours aux éditions Payot. Il en débattra avec les Grenoblois le 8 mars.
Mardi 1 mars 2022 Pourquoi notre cerveau aime – chez les gens normalement constitués – le riff d’intro de "Whole Lotta Love", mais déteste le bruit du marteau-piqueur ? L’effet de la musique sur nos ciboulots est le thème de la Semaine du cerveau,...
Mardi 1 mars 2022 Parmi les myriades d’associations qui font vivre le territoire grenoblois, il y en a certaines qui font plus particulièrement vibrer notre petit cœur (...)
Mardi 15 février 2022 Un enfant sage et débonnaire, fasciné par la couleur verte qui orne les coffres fabriqués par son père menuisier, fréquente assidûment une bande d’oiseaux dans (...)
Lundi 31 janvier 2022 Les épisodes du podcast "Le camp de base" saison 2, sortent sur vos plateformes d'écoute préférées à compter du 16 janvier. Le Petit Bulletin vous parle de cette production indépendante, imaginée par une passionnée de son et de montagne. Rendez-vous...
Mardi 18 janvier 2022 Quatrième édition en vue pour Une Belle Saloperie, ce « festival qui n’en est pas vraiment un » dédié à l’avant-garde graphique et cinématographique. Au programme, une exposition, deux projections et une bonne dose d’irrévérence.
Mardi 18 janvier 2022 Avec Une sortie honorable, Éric Vuillard, prix Goncourt 2017 pour L'Ordre du jour, nous décrit les derniers mois de la guerre d'Indochine et les contorsions françaises pour en sortir sans perdre la face. Un nouveau récit réjouissant qui remet...
Mardi 18 janvier 2022 Charmer les lecteurs qui s’ignorent… C’est le propos des Nuits de la lecture, qui cumulent des dizaines d’événements dans les établissements scolaires, (...)
Mardi 4 janvier 2022 À l’occasion du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes, l’égyptologue Karine Madrigal donne une conférence le 17 janvier à l’auditorium du musée de Grenoble. Le public grenoblois sera mis au parfum des récentes découvertes issues du fonds...
Lundi 29 novembre 2021 Avec Le Jeune acteur 1, Riad Sattouf poursuit ses études adolescentes en BD avec le premier volet d'une biographie consacrée à l'acteur Vincent Lacoste, qu'il révéla au cinéma dans Les Beaux Gosses. Et en qui il semble avoir trouvé son Antoine...
Mardi 2 novembre 2021 La Bibliothèque d’étude et du patrimoine (BEP), rouverte au public il y a moins d’un an après des travaux de réhabilitation, se dévoile lors d’une visite spéciale le 13 novembre. L’occasion d’en savoir plus sur son architecture et les trésors...
Mardi 2 novembre 2021 Romancière à succès, Marie Darrieussecq publie un essai au titre clair comme de l’eau de roche : Pas Dormir. Qui n’a pas regardé avec effroi son réveil à 4h (...)
Mardi 19 octobre 2021 La librairie Les Modernes organise une rencontre lecture avec Anooradha Rughoonundun, comédienne et auteure du texte "Le Corps des vieux", et deux journalistes du magazine Panthère Première, qui consacre son dossier à "l’Esprit vieille". Le tout au...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X