La Villeneuve-les-Arts

Panorama / Quartier de Grenoble aux difficultés sociales importantes, La Villeneuve jouit par ailleurs d’une vitalité de l’activité culturelle, associative et sociale apaisant le malaise existentiel. Séverine Delrieu

Dans les années 70, La Villeneuve est conçue pour expérimenter un nouveau mode de vie urbain : souvent venus d’ailleurs, les habitants y cherchaient une vie harmonieuse et riche à travers des équipement porteurs de projets innovants et sources de lien social. Différents types d’habitats, d’équipements socio-culturels, d’écoles poussent simultanément sur 14 hectares autour d’un magnifique parc. Mais, malgré la cohérence du projet, les crises économiques qui sévissent, appauvrissent considérablement les populations. La Villeneuve devient ce que l’on nomme trop vite et mal un “ghetto”. Aujourd’hui, le quartier compte 14000 habitants, c’est une véritable ville dans la ville avec les problématiques inhérentes à n’importe quelle autre ville. Mais, du fait de sa forte concentration sur un espace restreint, les problèmes deviennent plus visibles. En effet, plus de 30 nationalités soumises à d’écrasants problèmes sociaux, (34% de chômage) s’y côtoient. Cette population, majoritairement familiale circule principalement à l’intérieur même du quartier ; ce dernier ne reçoit par ailleurs que trop peu de visiteurs extérieurs, tant il souffre régulièrement d’une mauvaise presse. Isolement social, repli communautaire, île protectrice, la Villeneuve est surtout un quartier dans lequel sont regroupées personnes aux faibles revenus (les loyers sont très peu chers), aux mêmes problématiques morales et vitales. La mixité sociale a bel et bien disparu. Alors, que reste t-il de l’utopie originelle sur laquelle fut construit ce territoire ? Sans doute une dynamique culturelle et associative forte, maintenue par une centaine d’anciens militants et de nouveaux habitants sensibles à cette idée de solidarité, de mixité sociale et de participation. Une impulsion soutenue par la politique de la Ville, attentative et impliquée dans l’évolution du quartier par le biais des relais (MJC, Centres sociaux, Mairie annexe). Travaux de fourmisÀ la Villeneuve, bon nombre d’acteurs culturels et d’artistes s’inscrivent dans une philosophie explicite de la proximité, tout en souhaitant ouvrir le quartier sur toute l’agglo. C’est ce que rappelle Geneviève Lefaure, Directrice de l’Espace 600, scène régionale Jeune Public : «tous nos projets sont très liés au fait que nous sommes à La Villeneuve, mais ce lieu est un théâtre de Grenoble. C’est important les richesses d’un quartier, mais il faut être vigilant aux risques de l’enfermement». Justement, pour parer à cet éventuel travers, la remarquable compagnie de théâtre Les Petits Pois qui répète dans la salle polyvalente de La Villeneuve près de la Mosquée, se compose d’une vingtaine de jeunes de La Villeneuve et du reste de l’agglo. Pour Sophie Berkaelers, le metteur en scène pédagogue, «il faut faire attention à ce qu’il y ait des ponts entre les quartiers, et que les enfants soient les premiers à être les médiateurs, qu’ils franchissent ces passerelles». En l’occurrence, c’est une passerelle qui sépare La Villeneuve du Village Olympique. Au bout de celle-ci, Le Théâtre Prémol (équipement de la Ville géré par la MJC), effectue lui aussi un travail de fourmi en direction des habitants : «nos actions sont ciblées sur l’hyper-local», explique Benoît Caponi, le responsable. Si le théâtre occupe une place de choix (il est impossible de citer tous les projets en cours), et sollicite les habitants de La Villeneuve, c’est aussi grâce aux propositions de l’Espace 600. Citons le projet du Grand ramassage des peurs en 2004 : la compagnie l’Artifice avait demandé aux habitants de La Villeneuve d’écrire leurs peurs et de déposer leurs productions dans des containers. La récolte de textes donna lieu à un spectacle dans lequel les peurs emblématiques furent proclamées : les peurs issues du local étaient universelles, nous rapprochant les uns des autres. L’art, l’animation culturelle, les projets de proximité jouent en miroir avec la vie du territoire : le Patio, qui englobe L’Espace 600, la dynamique bibliothèque Arlequin, la galerie d’expo, et le Centre Audiovisuel (équipement incontournable de la ville), est un pôle culturel fécond du quartier mais aussi de la Ville. Images pas d’Epinal «La Musique compte à La Villeneuve», s’exclame Monica Almaya, musicienne intervenant dans les écoles primaires depuis 91. Cette chef de Chœur, également habitante du quartier, a constitué une Batucada et une Chorale avec les enfants des écoles, et permet aux formations de se produire lors de la manifestation phare du mois de juin, Quartiers Libres !. Drainant en grand nombre habitants du quartier et d’ailleurs, cet événement annuel fut inventé par l’association Sasfé, dont certains membres ont grandi à La Villeneuve. Leur objectif : en associant les habitants du quartier par le biais du Comité des fêtes, il est de faire découvrir la Villeneuve et de croiser les publics - puisque les spectacles ont lieu à la Villeneuve, St Bruno, Fontaine, Mistral... Autres rendez-vous bien suivis par les habitants : les séances de Ciné-Villeneuve. Mises en places par un groupe de bénévoles habitant le quartier, ces projections de films de qualité ont lieu tous les vendredis de chaque mois dans la salle polyvalente des Baladins. Pour Brigitte Daian, l’une des bénévoles, il est important de «créer du lien autour des films après les séances». Le lien, les acteurs culturels ne cessent de l’interroger, d’en créer ; leur présence redonne aussi de l’allant au quartier car il permet l’échange et amoindrit l’isolement ; il ouvre vers l’ailleurs. Effectivement, le développement artistique, culturel vaut son succès que s’il implique les habitants : parfois difficiles à convaincre, - «j’ai quelque fois l’impression que c’est leur territoire» rapportent certaines personnes d’assos, ces derniers possèdent une grande qualité, la convivialité. Et ce n’est pas un mythe.

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