L'irréductible

Événement / Ce week-end sera marqué par l’habituel «lancement officieux de la saison culturelle» (dixit les habitués et Valère Bertrand, figure tutélaire du lieu), sis dans le Trièves, au Pot-au-Noir de Rivoiranche exactement. L’occasion de faire le point sur l’action militante d’une salle aux perspectives encore un rien incertaines. Propos recueillis par François Cau

Avant tout chose, quelle est la situation actuelle du Pot-au-Noir ?Valère Bertrand : Ça tombe bien, je sors d’une réunion au Conseil Général avec la Région Rhônes-Alpes, le Département de l’Isère et la communauté de Monestier. On est en train de travailler à la mise en place d’une convention multipartite avec les structures précitées, pour une durée de trois ans. En termes de financement, rien n’est annoncé, aucun montant ne sera figé dans cette convention, mais ça a le mérite de consolider l’action du Pot-au-Noir, de la pérenniser sur trois années ; pour nous c’est un plus évident. Au sortir des gouffres financiers abyssaux de 2005, on redresse la barre depuis le début de l’année. C’est ni très marrant, ni très bandant, mais les réalités font qu’il faut agir en fonction des responsabilités qui sont les nôtres et tenir le budget. En gros, la sensibilisation politique que vous espériez est arrivée, mais sans vous garantir pour autant la viabilité totale…Oui, là on en est à un niveau technique. On a des ambitions financières sur ce lieu, je sais déjà qu’en 2007 on n’aura pas tout ce qu’on souhaite, mais on en sera peut-être pas loin. Il ne faut surtout pas oublier que la fête de soutien organisée en 2005 a été plus qu’importante, plutôt déterminante pour l’association. Ça a surpris tout le monde, nous les premiers. On ne se doutait pas qu’on pouvait être un élément fédérateur d’une telle ampleur. C’est ce qui nous a sauvés financièrement, puisqu’on a quand même ramassé 15000 euros en une soirée. Ça nous a permis d’entrer dans une phase de redressement. On a eu un audit du Conseil Général sur la structure, qui a établi la bonne gestion de l’association, son bon fonctionnement global. On est enfin reconnu en tant que soutien artistique aux compagnies, en tant que véritable fabrique de créations.Vous avez des craintes quant à la rapidité de mise en œuvre et d’exécution de la convention ?La convention va se concrétiser. On ne fait pas l’unanimité, ça nous ferait peur d’ailleurs, mais tout le monde a admis que le projet a une vraie légitimité au sein du territoire du Trièves, on est un lieu ressource, un relais pour le collège, les écoles primaires, les associations… On a deux objectifs à remplir : un dernier investissement sur le lieu, et créer un poste administratif. Pour l’instant on fonctionne avec un secrétariat bénévole, ce qui pour plus de 300 jours de mise à disposition pour des compagnies et des représentations n’est plus tenable. L’an prochain on va avoir dix ans, j’aurais tendance à compléter en disant “t’var ta gueule à la récré“. Au bout de dix ans de bénévolat tu te prends logiquement le besoin de dire stop, après tu ne sais même plus pour qui tu bosses. Même si on prétend que ça marche très bien comme ça, ce n’est plus le cas. Il nous faut grandir, trouver une méthode de travail plus collégiale.Et au milieu de toutes ces préoccupations logistiques, l’artistique n’en a pas pâti ?C’est ce qui nous est plus ou moins arrivé en 2005, avec tellement de problèmes de ronds qu’on ne pensait qu’à sauver la baraque. Mais même rattrapé par la réalité des finances, on a toujours des questions à poser, et on continue à le faire en toute honnêteté, sur les moyens de production, sur la relation aux institutions, la politique culturelle… Pour revenir à la Fête à Rivoiranche, la programmation 2006 est un petit peu plus restreinte…On est dans une année un peu charnière avec la mise en place de la convention. La problématique financière a resurgi : chaque année on est déficitaire sur la Fête et là on ne peut plus se le permettre. Et puis c’est la neuvième édition, on se dit qu’on garde un peu de force pour la dixième. Mais ça ne veut pas dire qu’il s’agit juste d’une fête de transition. Dernière chose, ce qui m’emmerdait, c’était l’espèce de dynamique “Avignon Off“ : on n’arrête pas de dire qu’on veut prendre du temps, offrir de meilleures conditions de jeu et là on se retrouvait avec des équipes qui avaient une heure pour se mettre en place… On offre donc un peu d’air, prenons du temps pour retrouver un vrai esprit de fête, avec de la spontanéité, des espaces de paroles, d’échanges, de rigolades, d’engueulades, sans speed par rapport à la programmation. Enfin, on a décalé les dates pour la première fois parce que Serge Papagalli était en création là-haut, et on avait le choix entre lui dire “tu t’arrêtes quatre jours parce qu’on fait la fête“ ou faire de la création la pièce maîtresse des festivités. On a opté pour la dernière solution. La seule excuse pour ne pas venir serait d’assister au festival de la Chanson Moderne au 145.Comment se profile la saison à venir, artistiquement ?On a des pistes sûres, comme l’anniversaire de la formation Micromégas, mais il faut préciser qu’on va changer fondamentalement le fonctionnement même de la structure. Beaucoup de gens considèrent Valère Bertrand comme un programmateur et se foutent le doigt dans l’œil. On va mettre en place une commission chargée de la programmation du lieu. Il faut renouveler les compagnonnages, et le faire à travers d’autres regards, d’autres sensibilités. J’ai mes limites en termes de disponibilités, j’ai un peu envie de lâcher la bride. Les utopies qui ont favorisé l’existence du Pot-au-Noir sont-elles toujours réalisables ?Oui. On s’est toujours positionnée dans une attitude particulière, ni dans l’acception ou la réfutation totale. On bosse avec les institutions, mais en voulant rester une sorte de poil à gratter ; la question n’est pas de faire, puisqu’on en a les moyens techniques, mais de comment faire, quoi, avec quel argent et quel partenaire. On souhaite rester une alternative à une évolution que je trouve affligeante en termes de politique culturelle. Que Sarkozy veuille faire disparaître le Ministère de la Culture et l’inclure soit sur le Tourisme soit l’Éducation Nationale, ça me fait peur. Je suis pour le Ministère de la Culture, pour la Maison de la Culture, mais aussi pour les petits théâtres, les labos d’expérimentation… C’est ce que je disais à l’Adjoint à la Culture grenoblois, il y a un porte-avions mais sans la flotille qui va autour, et du coup la machine de guerre est fragilisée. Sur Grenoble, cette nécessité est criante. Au niveau théâtral, on est dans une phase de creux. Des choses vont renaître, évidemment, mais la grande question reste celle de l’accompagnement des partenaires publics.Fête à Rivoiranchedu 28 septembre au 1er octobre, au Pot-au-Noir

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