Ça sentait la moule jusque dans le coeur des frites

Les agitateurs du Groland fêtent cette semaine leur quinzième anniversaire en fanfare, avec sortie DVD et événements à la clé. Histoire de participer à notre humble niveau à la célébration, retour sur le 3e Festival du Film Grolandais de Quend, qui se tenait du 21 au 23 septembre en Picardie. Bernard de Vienne

Quend, c'est du cinéma, mais pas seulement. Dans quel autre festival apprend-on à faire des frites comme en 1820 ? Patates coupées dans la main, cuites dans la graisse animale : 60% de blanc de boeuf, 20% de graisse de cheval, 20% de saindoux. Jan Bucquoy, artiste belge, explique patiemment et avec amour la marche à suivre. Le réalisateur du décalogue sur la Vie sexuelle des Belges, autobiographie filmée, et dessinateur-scénariste de la vie sexuelle de Tintin voit la frite comme un art populaire en péril. Le festival devient une tribune pour plaider sa sauvegarde devant les caméras. On épluche les patates. Voir Lio un économe à la main et de la terre sous les ongles, dans ce garage transformé en galerie, est un plaisir de gourmet. Dans une salle de l'expo attenante, une série de photos de pommes de terre en noir et blanc. Sur un autre mur, des tableaux de Tintin sodomisant Milou. Amis des arts, bienvenue à Quend, Picardie, capitale d'un week-end du Groland. La compagnie des Têtes en l'air produit son génial spectacle de cirque, Charb dédicace les aventures de Maurice et Patapon, et vous vous sentez bien.Programmation grolandaiseLe vainqueur de l'Amphore d'or, récompense suprême, est Nous les vivants du Suédois Roy Anderson. La deuxième marche du podium, prix spécial du jury présidé par Yolande Moreau et film le plus vu par le public, revient à Samuel Benchetrit pour J'ai toujours rêvé d'être un gangster. Le duel que s'y livrent Arno et Alain Bashung, chacun dans son propre rôle, y est sans doute pour quelque chose : Arno crève l'écran. Le festival de Quend, c'est aussi de la politique : Libérez l'accusé, Le tueur de fonctionnaires, pastiche hilarant de l'émission Faites entrer l'accusé, met en scène Ernest Liberteil, chef d'entreprise à la Tapie. Pour lui, «s'attaquer à la publicité, c'est s'attaquer à la démocratie». Mêlant à la fiction des personnages réels, le film est grinçant, mais drôle. L'homme politique Nicolas Miguet déclarant sans rire que «99% des patrons sont des patrons esclaves» restera dans les annales - si le film sort de l'ombre. Sarkozy et moi, un documentaire à charge réalisé par de jeunes journalistes parisiens, répertorie les mensonges du ministère de l'intérieur après la mort de Zied et Bouna dans un transformateur, et tente d'obtenir des éclaircissements du candidat Sarkozy. En vain. Et pour les paranoïaques grenoblois qui pensent que la technologie peut être liberticide, on ne peut qu'espérer la diffusion prochaine du documentaire Total control d'Etienne Labroue. Restons joyeux dans la déchéanceLes projections commencent à dix heures du matin, mais le spectacle ne s'arrête jamais. Deux mecs en chemise sniffent leur coke dans la rue sur un appui de fenêtre. Ça ne manque pas de panache, vu le nombre de gendarmes en patrouille. Tous les punks à chiens du nord se sont donné rendez-vous pour picoler au clair de lune. Au matin, la longue plage de sable blanc est jonchée de festivaliers et de cadavres de bouteilles. Avec le sable, certains bâtissent toutes sortes d'organes sexuels dont des touffes d'algues évoquent la pilosité. Certes, nous ne sommes pas à Cannes. Il y a aussi là des familles, des cinéphiles en quête d'incongru. Des gens assez perchés pour faire le déplacement exprès ou assez voisins pour n'avoir rien à perdre. Une fanfare entraîne derrière elle la moitié de la foule du centre vers à la plage. Les autres mangent des moules et boivent des bières. L'année passée, la musique avait la part belle. Les organisateurs dépassés avaient constaté tristement que les concerts de Didier Wampas et Didier Super drainaient plus de monde que les projections. Cette année, ceinture. Retour aux fondamentaux : «Quend 3, c'est trois fois plus de cinéma», disent-ils. Du coup, l'organisation cafouille parfois. Des bobines en retard obligent à remplacer au pied levé le film d'ouverture prévu, Cowboy, par celui de Benchetrit. Le rêve pourrait prendre finLes bénévoles qui ont “fait“ Quend 2 trouvent l'ambiance un peu moins festive, le public moins nombreux, ça sent le sapin. Beaucoup murmurent que Quend 4 n'aura peut-être pas lieu. Groland, émission en sursis, n'a pas la main : sans la chaîne, pas de festival. Et pourtant. Quend, seul endroit au monde ou les anars avinés acclament leur président qui leur répond par des doigts d'honneur. Où Christophe Salengro, président gaullien en diable sur son command-car amphibie frappé du sigle du Groland, entouré de ses fidèles Jules-Edouard Moustic, Michael Kael, de ses amphores en peluche, fend la foule enthousiaste juché sur ce promontoire crétin, avant de monter, comme à Cannes, les marches couvertes d'un tapis rouge. Pour redescendre de l'autre côté vers la salle de ciné.Groland – 15 ans d’âge bêteDVD disponible chez StudioCanalNous les vivants de Roy AnderssonAvant-première le 11 novembre à 20h, à l’Espace Aragon (Villard-Bonnot)

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X