Réalisme romanesque

S’il s’est intéressé un temps aux rues de Baltimore dans le cadre de sa collaboration à la série “Sur Écoute“, George P. Pelecanos est avant tout l’écrivain d’une Washington interlope. Décryptage et entretien avec ce grand nom du polar à l’occasion de la sortie des “Jardins de la mort“. Propos recueillis par Yann Nicol (merci à Barney pour la traduction)

Comme James Ellroy avec Los Angeles ou Dennis Lehane avec Boston, Pelecanos a avec Washington sa ville de référence. Une ville qui reflète encore plus qu’ailleurs les dérèglements d’une société américaine à deux vitesses : capitale du pays le plus riche du monde, elle est aussi le berceau de la misère et de la violence pour la majorité de ses habitants, et notamment pour une communauté noire qui représente près de 70% de la population. C’est donc dans cette cité paradoxale que se situe l’ensemble de ses romans. Des romans noirs peuplés de personnages marginaux à la dérive : dealers, maquereaux, caïds, junkies se débattent entre le crime, la guerre des gangs et la haine raciale.
Pelecanos donne à ses polars une très forte dimension cinématographique, grâce notamment à un sens aigu de l’ambiance. Les descriptions ciselées, les dialogues au couteau, la bande-son omniprésente, sont autant d’éléments qui permettent au lecteur de plonger corps et âme dans l’histoire de cette ville, et cela quelle que soit la période ou la minorité qu’il décrit. Car Pelecanos ne se contente pas d’ausculter son époque ou sa propre communauté.
À travers une gigantesque comédie humaine aux personnages récurrents (Peter Karras, Nick Stefanos, Terry Quinn, Derek Strange) il parvient à dresser un véritable document historique et sociologique sur une ville sclérosée. Petit bulletin : Le va-et-vient entre deux époques (1985 et 2005) vous permet de montrer l’évolution de Washington, la ville qui est le théâtre de tous vos livres…
George P. Pelecanos :
C’est vrai. La ville a connu des changements considérables durant ces vingt dernières années. Le premier chapitre, situé en 1985, est une manière de mettre en place les personnages et d’interroger la façon dont ils vont évoluer par rapport aux mutations de Washington.On suit le destin de trois flics qui donnent différentes visions d’un même métier : l’idéaliste, le fonctionnaire et l’ancien…
Oui, mais c’est la combinaison de ces différentes approches qui leur permet de résoudre l’enquête. Seuls, ils n’auraient certainement pas réussi à trouver les clés… Par ailleurs, je ne suis pas d’accord pour dire que Gus Ramone est un “fonctionnaire“. Il est le seul des trois à pouvoir poser son arme et sa plaque en fin de journée pour se consacrer à sa vie personnelle. Je préfère considérer Ramone comme quelqu’un de solide, de stable. Et il n’est pas aussi droit qu’il le laisse penser : il est lui aussi capable d’enfreindre les lois.Votre livre est une fois de plus un savant mélange de réalisme et de romanesque…
J’espère bien ! Certains lecteurs sont prêts à oublier le caractère invraisemblable de nombreux polars, mais en tant qu’écrivain, je ne peux pas me le permettre… J’ai travaillé en collaboration très étroite avec la police criminelle pour écrire ce livre, et les remarques que j’ai entendues sont plus riches et pertinentes que tout ce que j’aurais pu inventer. Ce roman est le plus proche possible des procédures policières, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il doit être complètement sec.Comme toujours, la musique est omniprésente dans votre livre. Plus qu’une bande originale, elle constitue un véritable outil sociologique…
Oui, j’ai senti que l’usage de la musique, dans Les Jardins de la mort, était plus “organique“ que tout ce que j’avais pu faire auparavant. J’adore l’ambiance des bars, en particulier lorsque les gars discutent de la musique qui s’échappe du juke-box. Ces conversations, qui sont sans fin, en disent beaucoup sur le caractère de mes personnages…George Pelecanos. Livre : “Les Jardins de la mort“ (Seuil Policiers)

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X