Bons baisers de Russie

CINÉMA / Trois soirées entièrement consacrées au documentaire russe : vous en rêviez, le 102 l’a fait. Rencontre avec Cyril Hugonnet et Fabien Fischer, qui, avec D’un temps à d’autres, ont imaginé un festival artistique exigeant très loin de la simple carte postale. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : D’où vient cette idée d’une manifestation regroupant des documentaires russes ?
Fabien Fischer : Dans ce monde où l’on est bombardé d’images, comment fait-on pour montrer des œuvres qui réfléchissent sur les images ? Au 102, on essaie de mettre en avant des films dotés d’une véritable écriture cinématographique avec, depuis deux ans, la diffusion de manière permanente de documentaires. On avait déjà passé l’hiver dernier Le Jour du pain de Dvortsevoy et Artel et Paysages de Loznitsa, des films que l’on aime beaucoup. On a alors eu l’envie de s’intéresser plus longuement à ces réalisateurs russes qu’on croise depuis une dizaine d’années dans les festivals. Ils viennent tous du Saint-Pétersbourg Film Studio, un ancien studio d’État qui avait une certaine assise. Alors quand l’URSS a explosé, le studio a continué à exister de lui-même, avec « L’école de Saint-Pétersbourg ». Ceux qui en sortaient ont pu par la suite continuer à utiliser le matériel, ce qui leur a permis d’avoir une certaine liberté dans l’écriture et dans la fabrication de film. C’est une manière de faire qui autorise des essais d’écriture pas forcément possibles dans d’autres circuits économiques.Le fait d’appartenir au même studio n’est pas la seule raison de ce regroupement ?
L’idée n’a pas été de les regrouper parce qu’ils étaient du même studio, d’autant plus qu’aujourd’hui, certains ne travaillent plus à Saint-Pétersbourg et ont leur propre studio grâce au numérique. Pour le festival, on les a regroupés par paires en essayant de raconter une histoire chaque soir…Une histoire qui parle de la Russie ?
Ils se trouvent que les films se passent en Russie, donc forcément racontent des choses de la Russie. Mais notre but n’est pas de faire de l’ethnologie, d’avoir un discours exhaustif sur ce qu’est ce pays aujourd’hui, ou sur ce qu’il était hier. Ce ne sont pas des reportages. Le documentaire meurt d’être enfermé dans des cases. La télévision y a été pour beaucoup. Tu fais un documentaire, alors il rentre dans la thématique histoire, politique, voyage… Avec notre festival, on ne va pas les renfermer dans la case « Connaissance du monde, voyage en Russie ».La différence avec le documentaire lambda vient-elle du fait que les réalisateurs que vous présentez sont des cinéastes et non des journalistes ?
Ce ne sont pas des films qui cherchent à retranscrire le réel, mais qui se servent du matériau de cette réalité pour en faire un objet cinématographique. Les documentaires sont la retranscription de la réalité. Dans le cinéma documentaire de création de ces quatre réalisateurs, il y a vraiment ce parti pris d’avoir un œil. Ce qui fait que la part entre fiction et documentaire est ténue. Par exemple dans Belovy (voir encadré), rien ne nous dit que c’est la réalité exacte de ce que vit ce frère et cette sœur. C’est le regard que le cinéaste Kossakovski porte dessus qu’il va transformer en film, et en quelque sorte fictionnaliser, à savoir raconter une histoire. On défend ainsi des documentaires de création… On ne dit pas que les films militants politiques, c’est pas bien, mais on n’était pas parti là-dessus. Les films que l’on projette ne parlent pas de la Tchétchénie ou de Poutine, mais s’intéresse aux des hommes, aux relations entre les gens, au poids de l’histoire. Il n’y a pas de film qui dénonce un système, mais des films qui s’inscrivent dans une réalité russe qui laisse voir un certain état des choses. Des choses plus larges, comme par exemple la déliquescence de l’empire soviétique. Et chaque réalisateur nous le montre à sa façon. Car en s’arrêtant sur la Russie, on s’arrête avant tout sur des créateurs…D’un temps à d'autres
Du mercredi 17 au vendredi 19 décembre, au 102
Projections à 20h30, ouverture des portes à 19h30 pour boire et manger !

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