«Pas une fête de quartier»

Septième édition pour Mistral, courant d'airs, festival culturel hétéroclite souhaitant abattre les préjugés inhérents au quartier Mistral. A cette occasion, on a donné la parole à Brahim Rajab de l'association Cultur'Act, qui n'a pas hésité à la prendre. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Après sept éditions du festival, le but est-il toujours d'amener la culture dans le quartier Mistral ?
Brahim Rajab :On travaille à revaloriser l'image de Mistral en permettant à des publics venus de différents horizons de voir le quartier sous un autre jour. Pendant des années, on entendait simplement parler de Mistral avec les faits divers du Dauphiné Libéré, et ça s'arrêtait là. Pourtant, il faut savoir que le quartier a une histoire culturelle assez riche. Dans les années 70, il était extrêmement dynamique au niveau culturel. Les premiers concerts gratuits ont été organisés ici, avec Lavilliers, Téléphone...Vous le trouvez abandonné aujourd'hui ?
Il l'a été pendant des années sous Carignon, ça a été une catastrophe. J'ai habité pendant plus de vingt ans dans le quartier, j'ai vu l'évolution : il y a du mal qui a été fait. C'est un quartier qui s'est renfermé de plus en plus, avec des nouveaux arrivants qui viennent avec encore plus de difficultés... Mais aujourd'hui les choses bougent, la municipalité s'investit, ça commence à évoluer.D'où l'importance de votre travail...
Je voudrais insister sur la nécessité de démocratiser la culture dans ces quartiers. On a un public qui a véritablement tendance à s'autoexclure. Concrètement pour nous, lors du festival, il est plus facile d'attirer des gens de l'extérieur que ceux qui habitent à 200 mètres de l'équipement. On est passé d'un lieu qui était très vivant au niveau culturel à un no man's land. Et quand le culturel a disparu, le cultuel a pris la place, avec une population de plus en plus en marge. Pour nous, les pratiques artistiques continuent encore à faire du lien social, quoi qu'on en dise. Notre discours peut paraître un peu simpliste parfois, voire utopiste, mais je pense que la culture est très utile.La programmation du festival se veut hétéroclite, à l'image du quartier...
Pour cette édition 2009, on a du théâtre, de la musique classique, du gospel, du jazz, des spectacles pour enfants.... Avec évidemment en tête d'affiche le concert de rap du Ministère des affaires populaires. Le festival n'est pas une fête de quartier qui s'adresserait qu'aux habitants de Mistral. Le but est d'ouvrir le quartier, de permettre aux habitants qui ont tendance à s'autoexclure des pratiques culturelles de découvrir des choses, et aux gens extérieurs au quartier de venir.Un des temps forts du festival : la présentation en avant-première de Tour Babel, un spectacle construit à Mistral...
On travaille avec la Fabrique des petites utopies depuis maintenant plus d'un an, ils sont implantés sur le quartier Mistral et ont été mandatés par la ville de Grenoble sur le projet Mémoire à venir. Ils ont travaillé avec les habitants autour du thème de la mémoire du quartier. Il faut savoir que le quartier est en pleine mutation, des tours sont détruites, l'urbanisme évolue... La Fabrique des petites utopies présentera donc sa nouvelle création Tour Babel, qui associe comédiens professionnels et amateurs autour du thème du vivre ensemble.Le festival est un temps de vie de l'association, qui elle a des activités toute l'année...
Cultur'Act est une association qui a été créée par des musiciens au début des années 90, et qui a eu en gestion l'équipement culturel Bachelard (avec une salle polyvalente, un studio de répétition et un d'enregistrement), dans le but de développer une dynamique culturelle sur le secteur. Depuis 2002, on a créé le festival Mistral, courant d'airs qui est rapidement devenu un temps fort dans cette partie enclavée de la ville. L'association est aujourd'hui gérée par des bénévoles, avec moi comme salarié. On réalise un travail sur toute l'année, le festival étant une vitrine de nos actions culturelles. On propose de nombreuses choses, notamment des soirées Cinézik au Méliès, avec la rencontre du cinéma et de la musique. On continue d'accueillir des groupes en résidence dans les locaux, on mène des ateliers de formation musicale avec le jeune public. Et on va développer tout ce qui est soirées cabaret et concerts à l'avenir avec la nouvelle salle, qui changera de nom.C'est-à-dire ?
Le projet de l'association est d'avoir un véritable équipement dédié à la pratique culturelle. On a négocié avec la ville de Grenoble, des travaux seront entrepris en décembre au Centre culturel Bachelard. Aujourd'hui, c'est une salle polyvalente utilisée pour des mariages, baptêmes... On aimerait arrêter ces activités-là et faire du lieu un véritable équipement culturel. Il faut savoir que le secteur 3 est le seul secteur de Grenoble qui n'a pas de lieu de diffusion culturelle. On veut donc vraiment que ce soit un lieu passerelle vers d'autres de l'agglo.Le festival en est à sa septième édition. Comment a-t-il évolué ?
Au départ, on était partis sur un concert en plein air gratuit. C'était en 2002, en plein milieu du second tour de la présidentielle qui opposait Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. C'était un petit peu tendu, on nous avait conseillé d'annuler cette première édition. Finalement on l'a maintenue, même si on ne savait pas trop où on allait. Les gens ont répondu présent, il y avait énormément de monde, et du coup d'un concert unique on est allés sur plusieurs jours et plusieurs pratiques artistiques, avec des partenariats divers comme avec la MC2, la Chaufferie... Aujourd'hui, c'est un temps très attendu par les habitants et même par des personnes qui ne sont pas du secteur. L'année dernière, faute de financements suffisants, on n'avait pas pu réaliser l'édition 2008, ce qui nous a permis de mesurer l'impact du festival sur la vie du quartier. Les gens venaient nous voir, nous demandaient quand allait commencer le festival ; et pas que des gens du quartier. Pourtant, l'association n'est pas encore bien acceptée par le milieu culturel grenoblois. Un truc m'échappe : quand on fait des actions culturelles de qualité dans un quartier enclavé, on dit que l'on fait de la sous-culture. Alors que les mêmes actions mises en place ailleurs, à la Bobine par exemple, deviennent tout de suite super chouettes... Attention, je n'ai rien contre la Bobine, au contraire ! C'est un exemple, pour illustrer ce triste constat.MISTRAL, COURANTS D'AIR
Du vendredi 12 au mardi 16 juin, quartier Mistral

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