Les marionnettes attaquent !

L’association La Petite Roulotte organise à Grenoble son traditionnel Festival de la marionnette : une manifestation extrêmement riche qui prend de l’ampleur, même si l’équipe déplore le manque de moyens. Rencontre avec Loïc Cloez, programmateur et coordinateur général. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Cette année, le festival est plus long, sur deux semaines entières…
Loïc Cloez : L’idée est d’occuper entièrement la période des vacances, d’assumer ce temps-là où toutes les salles sont fermées, et de leur offrir ainsi une expertise. Du coup, on est de moins en moins dans de simples mises à disposition, car il y a une réelle envie des lieux d’accueillir le festival, même si ce ne sont pas eux qui l’organisent.Neuf partenaires cette année dans Grenoble : le festival grandit, grandit… !
L’envie du festival, de ceux qui l’organisent, est que chaque spectacle ait sa salle ; qu’on puisse jouer aussi bien sur de très grands plateaux avec de très grands volumes que sur des petits plateaux avec des petits volumes ; aussi bien avec des grandes ou des petites jauges, des rapports frontaux ou plutôt circulaires… Cette année, on a donc neuf lieux dans Grenoble, et six dans le département… On va ainsi au Petit théâtre du Créarc – ce que l’on avait jamais fait encore, alors que c’est un lieu qui se prête super bien à la marionnette –, à Antigone, au 102…Le 102 justement, lieu alternatif par excellence, avec lequel vous élargissez vos horizons…
On part de l’idée que l’on voit de plus en plus de choses en animation, et les ponts avec la marionnette sont énormes. Au 102, on va ainsi faire des projections de Jan Svankmajer [artiste et cinéaste tchèque né en 1934, NDLR], considéré comme un père dans le monde de la marionnette. L’équipe du 102, avec ses connaissances sur le cinéma expérimental, nous amène à découvrir d’autres univers. Et nous, on apporte ce que l’on sait faire, avec nos repas-spectacles… Dans la même idée, pour la première fois dans l’histoire du festival, on lance un partenariat avec le cinéma Le Méliès, qui programme Alice de Svankmajer dans le cadre des Rencontres cinématographiques jeune public, ce qui tombe plutôt bien !La marionnette a une image très jeune public, alors que votre festival balaie plus large…
On s’est beaucoup cassés la tête lors des premières éditions du festival. On a trouvé une formule pour se débarrasser de la distinction jeune public / tout public / adulte, en adoptant le "déconseillé au moins de…", qui laisse une échelle ouverte. Un spectacle à partir de quatre ans peut être ainsi vu par tous, enfants, ados, adultes…Des coups de cœur dans cette programmation 2010 ?
Je suis assez content de l’idée du ciné-spectacle des samedi 20 et dimanche 21. On programme Accidents, un spectacle d’une compagnie de la Réunion que l’on voulait faire venir depuis très longtemps. Et on a eu l’idée de le faire résonner avec le film Le Sens de la vie pour 9, 99$. On accueille aussi la compagnie bretonne Bakélite, qui porte un théâtre d’objet qui offre vraiment une place à celui qui conte, et du coup à la parole. Ils viennent avec L’Affaire Poucet, et vont nous raconter l’histoire du Petit Poucet par le biais d’une enquête policière. On reçoit aussi L’illustre famille Burrattini avec T’as de beaux yeux tu sais Carabosse : franchement, c’est une perle, un véritable spectacle d’éducation politique à destination des enfants et de leurs parents juste derrière ! Il y a une adresse aux plus jeunes, mais ceux qui sont ciblés, ce sont les adultes. Enfin, évidemment, on accueille à nouveau la compagnie locale le Théâtre Mu, qui nous embarque dans une adaptation de La Métamorphose de Kafka.L’année dernière, vous nous déclariez que la marionnette était peu soutenue par les institutionnels. C’est toujours le cas ?
Ça avance : on a des augmentations qui se dessinent de tous les côtés, même si les votes arriveront après le festival. Mais la part de la marionnette dans le tout est difficile à voir. On n’a pas de relation de travail avec les collectivités, même si j’ai l’impression qu’avec le festival, on répond à quelque chose qui commence à leur plaire de plus en plus.Le festival fonctionne en trois tiers, grâce à des subventions publiques, ses recettes propres, et du bénévolat… L’équilibre n’est-il pas précaire ?
On s’habitue à la misère, et c’est vrai pour tout le spectacle vivant. On finit par se dire "allez, je ne suis pas encore payé cette année" – parce que c’est ça pour moi, je vis avec mon allocation spécifique de solidarité pour les chômeurs en fin de droits. Pourtant, je ne vois pas pourquoi je financerais un poste de fonctionnement pour être plus limité au niveau des frais de déplacement des compagnies ou sur leurs cachets artistiques, plus limité pour aller faire un travail de repérage, de prospection à l’extérieur. Je ne veux pas qu’on se pose la question de faire venir ou non une compagnie du Québec à cause des coûts, or c’est encore le cas. Donc je considère que la direction, ça doit venir après… Alors oui, on s’habitue à la misère. Et ceux qui sont payés le sont au smic, sur des temps partiels, avec des postes aidés… Après, ce qui est insupportable, ce n’est pas tant pour soi, mais c’est qu’à un moment, on est acculés, on parle sans cesse des budgets contraints : c’est là aussi qu’il y a la misère, c’est dans les têtes. De ne pas rêver, de ne pas imaginer que l’on veut plus… On veut que les lieux soient partagés, que d’autres que nous puissent aussi inventer, que ce ne soit pas juste le monopole de quelques-uns, des plus aidés… Il faut que l’on démonopolise la programmation : nous, on dit "voilà, on est compétents en marionnette" !En septembre dernier, votre association La Petite Roulotte, qui effectuait une programmation jeune public régulière à l’Adaep, a décidé d’arrêter cette partie de ses activités. Vous en êtes où aujourd’hui ?
On va très bien ! On a suspendu la programmation jeune public dans ce qui s’appelle maintenant La Petite salle de l’Ampérage, parce qu’on considérait que les moyens n’étaient pas là, et qu’il n’y avait pas d’envie politique. Évidemment, on pense toujours qu’il faut des spectacles très jeune public à Grenoble, il y en a trop peu. On est donc prêts à revenir sur notre décision, et travailler avec tous les acteurs en place… On travaille sur une programmation décentralisée et adaptée selon les territoires et les besoins. Pour cela, nous proposons une aide à la programmation en Isère et une programmation jeune public à Grenoble. Ces deux projets attendent d'avoir le soutien des collectivités pour démarrer.FESTIVAL DE LA MARIONNETTE
Jusqu’au dimanche 28 février, dans divers lieux.

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