À la rue

Artiste grenoblois phare, à l’univers riche, foisonnant et protéiforme, NiKoDeM est tout récemment devenu la star d’un ouvrage de la collection Opus Délits, qui se consacre à l’art urbain. À l’occasion de la dédicace de ce vendredi à la librairie Les Modernes, rencontre avec la bête, dans son atelier à Ütopia. Propos recueillis par AM

Le Petit Bulletin : NiKoDeM, graphique d’influences, est donc un ouvrage qui essaie de présenter au mieux votre univers…
NiKoDeM : Oui, même s’ils m’ont dit de ne pas trop m’emballer car je ne pourrais pas tout présenter dans le livre ! Donc, je me suis axé sur le thème de la rue. Mais, évidemment, si je fais cette activité-là aujourd’hui, c’est quand même parce que ça reste ma motivation première, une sorte d’épanouissement personnel. Et donc épanouissement, ça veut dire recherche, évolution. Pendant quelques temps, ça m’a pesé que l’on dise que je ne faisais que des bonhommes… Certes, on reconnaît mes bonhommes, mais aujourd’hui, que ce soit avec l’installation de bambous [au Domaine Saint-Jean de Chépy à Tullins – plus d’infos dans l’ouvrage] ou le projet d’anamorphoses pour la façade d’un cabinet d’architecte [rue Génissieu, à Grenoble], je sors directement de ce que je fais habituellement. Et si les gens ne reconnaissent pas, je prends ça comme un compliment !

Pensez-vous que la sortie de l’ouvrage aidera à lever certains malentendus vous concernant ?
J’espère. Ça fait des années que l’on dit Nikodem graffeur : mais je ne me considère pas comme un graffeur, je ne viens pas de la culture du hip-hop. Certes, j’y suis passé un petit moment, mais ce n’est pas ça qui m’a amené à faire de la peinture, ni à avoir une bombe dans la main. 

Car vous avez un parcours plus « classique », avec notamment le passage par une école de dessin à Lyon…
J’ai fait mon école [Émile Cohl – NdlR] bien avant tout ça : je savais donc déjà dessiner quand j’ai découvert la bombe aérosol. Et je peins aujourd’hui toujours au pinceau, tout en utilisant aussi d’autres techniques : la sérigraphie, le pochoir… Je ne me dis jamais graffeur donc – je trouve que ça limite –, mais peintre… Ou artiste visuel, pour ne pas me cantonner à la seule peinture. Comme par exemple l’histoire avec l’architecte, ou l’expérience avec Adrien Mondot [ils ont travaillé ensemble il y a deux ans à la Salle Noire], dans laquelle je n’avais même pas de peinture. Mais je peignais quand même, avec de la lumière !
Alors pourquoi cette image réductrice colle-t-elle à la peau des artistes de votre acabit ?
Je crois que tout simplement, après avoir été très longuement dénigrée, la culture hip-hop est aujourd’hui à la mode. Elle est utilisée à toutes les sauces. Donc, quand il y a un article dans un journal, souvent, on va ressortir le mot à la mode : graffiti, culture hip-hop… Des fois, on me dit taggeur, alors que je n’ai jamais fait un seul tag de ma vie !

Et, comme vous l’expliquez, il y a aussi un changement de lecture de la notion même d’art de rue…
Maintenant que l’art de rue commence à être reconnu, les gens finissent par oublier que les premières choses qui ont été faites dans la rue, c’était pour dénoncer. Ça avait du sens, comme une sorte d’engagement. Or, aujourd’hui, l’art de rue devient une activité ludique et décorative…

Avec le recul des années d’activité, comment définiriez-vous votre style artistique d’aujourd’hui ?

C’est difficile de se juger soi-même… Ça reste figuratif… J’aime toujours travailler sur le personnage, sur ce côté illustratif. Dès que je fais un personnage, on va reconnaître mon style, c’est mon identité… Mais je n’ai pas envie de ne me cantonner qu’à ça. Ce que j’aime, c’est mixer les choses : utiliser, sur la même œuvre, des pochoirs, la sérigraphie, le figuratif, l’anamorphose…

Où en est la vie du site Ütopia ? – cette « résidence d’artistes, laboratoire graphique » implantée au 182 cours Berriat à Grenoble, où NiKoDem a son atelier.
Pour l’instant tout va bien, ça fourmille d’activité. Il y a une bonne ambiance et une bonne dynamique. On est là depuis 2006, on commence à être bien en place, avec de nombreux projets. Mais ça fait deux ans maintenant que l’on a rien fait dans le lieu. On propose donc de remettre un petit coup de frais sur la maison [la façade est peinte – NdlR] : on fait un évènement les 27, 28 et 29 mai, pour que les gens sachent ce qu’il se passe ici. Certes, on a toujours ce problème de non accessibilité de l’intérieur du lieu au public – il n’est pas aux normes –, ce qui est quand même bien dommage… Notre seule possibilité de lui donner un rayonnement, c’est donc d’organiser un évènement pendant les beaux jours.

NIKODEM
Dédicace Opus Délits #20 – Graphique d’influences, vendredi 13 mai de 18h à 21h à la librairie Les Modernes.
Performance samedi 14 mai au Domaine Saint-Jean de Chépy (Tullins)

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