Gérard Davet : « On donne juste des faits »

Swissleaks : le plus grand scandale de fraude fiscale

Musée de Grenoble

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes d’investigation officiant au quotidien "Le Monde", seront vendredi à Grenoble à l'invitation du média en ligne "Particité". Ils évoqueront notamment les dessous de l’affaire SwissLeaks, la « fraude fiscale du siècle » qu’ils ont développée dans leur ouvrage "La Clef". L’occasion de parler en amont avec Gérard Davet de fraude fiscale, de journalisme d’investigation et de clef USB. Par Aurélien Martinez

Dans votre ouvrage La Clef, sous-titré « révélation sur la fraude fiscale du siècle », vous revenez sur les dessous de l’affaire SwissLeaks que vous avez révélée dans les colonnes du journal Le Monde. Tout est donc parti d’une clef USB…

Gérard Davet : On enquêtait sur cette histoire depuis fin 2013. En janvier 2014, on a fait un premier article dans Le Monde où l’on révélait des délits de fraude fiscale commis par la banque HSBC en France. À la suite de cet article, on a contacté d’autres personnes. Et l’une d’entre elles est venue nous voir avec une clef USB contenant des dizaines de milliers de comptes de clients d’HSBC de par le monde. Mais pas n’importe quels clients : des clients très fortunés qui, dans 95% des cas, contournaient les lois fiscales en cachant leur argent avec la complicité de la banque. Cette clé USB, un peu magique, nous a alors permis d’ouvrir les coffres d’HSBC et de comprendre les ressorts de la fraude fiscale.

Vous avez donc tiré un livre de cette enquête qui se base sur des faits mais peut se lire comme un thriller…

Nous nous sommes régalés à l’écrire, à raconter les personnages… Ça a d’ailleurs tellement plu aux gens qui connaissent tout ce système qu’on a eu des propositions pour l’adapter en série et autres !

Le récit se base notamment sur le personnage d’Hervé Falciani, qui a travaillé à HSBC. La scène où il rencontre les services secrets français aurait pu être imaginée par un scénariste de cinéma !

On a mis la main sur un truc auquel personne n’a accès d’habitude : les enregistrements réalisés par la DGSE [la Direction générale de la sécurité extérieure] quand ses agents recrutent des sources. C’est du pain bénit pour nous ! Et ça nous permet d’expliquer, contrairement à pas mal de nos confrères qui se sont laissés séduire par le personnage, que Falciani est quelqu’un de très complexe qu’on ne peut pas voir seulement comme le chevalier blanc de la corruption – au départ, il avait aussi des motifs pas forcément désintéressés.

Aujourd’hui, où en est l’enquête autour d’HSBC ?

En France elle est terminée : ça va coûter des centaines de millions d’euros à la banque. Et au niveau international – en Angleterre, en Argentine, aux États-Unis… – plusieurs enquêtes sont encore en cours. Tous ces pays ont demandé à avoir accès à la petite clef que l’on avait pour poursuivre les fraudeurs et la banque ; ce qui permet à chaque pays de récupérer énormément d’argent. C’est plutôt pas mal pour les comptes publics.

Il y a donc clairement un aspect citoyen voire politique dans votre démarche…

Oui mais politique au sens propre du terme : la cité. On n’est surtout pas dans une démarche politicienne. On a accès à des choses, des éléments, des personnages qui sont généralement cachés et, comme on a un peu de recul et d’ancienneté, on les questionne pour permettre aux lecteurs de s’emparer du truc. Après, les lecteurs se font leur opinion : s’ils sont pour la fraude fiscale, qu’ils le soient ! On ne donne pas de recommandations ni de conseils, on donne juste des faits.

Avec ces faits vous faites donc du journalisme, qui est l’un des métiers les plus décriés en France…

Quand on fait des trucs, en général on en prend plein la gueule derrière – on a droit à : les journalistes du Monde donnent des leçons, voire font de la délation… Non ! Je rappelle que cacher son argent en Suisse, c’est un délit passible de prison. On sait donc que la presse n’a pas forcément bonne presse mais, pour faire bouger un peu les choses, on essaie de parler aux gens en expliquant ce que l’on fait – comme ce sera le cas à Grenoble lors de la conférence – et d’écrire des livres pour raconter nos enquêtes. Après, pour rebondir sur votre question : oui notre métier est décrié mais il est aussi vachement demandé quand on voit le nombre de gens qui postulent dans les écoles de journalisme !

Vous êtes des journalistes spécialisés dans l’investigation : un domaine pas facile même en France comme l’a démontré l’ouvrage collectif Informer n'est pas un délit sorti en septembre dernier…

Ce livre a eu le mérite de faire bouger les choses, de faire prendre conscience de ce qu’il se passe. Mais avec Fabrice, on relativise toujours énormément : on a donné des conférences un peu partout dans le monde, on voit bien qu’il y a des pays où l’on ne peut même pas s’exprimer librement. En France, on a certes des problèmes qui sont des vrais problèmes – on n’a pas de loi sur le secret des sources par exemple ; on est face à des pouvoirs forts qui espionnent les journalistes et je suis bien placé pour en parler – mais on peut quand même travailler.

Soirée SwissLeaks avec Gérard Davet et Fabrice Lhomme
À l’auditorium du Musée de Grenoble, vendredi 11 mars à 20h

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