"Propriété privée" : voisins voisinent par Julia Deck

Julia Deck

Librairie Passages

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Littérature / rencontre / Avec ce bijou de la rentrée littéraire, l'autrice ausculte par le prisme de l'enfer pavillonnaire, entre jeu de piste et jeu de dupes, l'impossibilité d'être soi dans la grande marmite du vivre ensemble. Elle sera vendredi 11 octobre à la librairie le Square.

« La propriété c'est le vol » disait Proudhon. Ou Patrick Balkany, on ne sait plus. Mais ça, c'est dans le meilleur des cas. Parce que la propriété, privée, ce peut être bien pire. Ce peut être l'Enfer, et l'Enfer c'est toujours un peu les autres. Voilà l'expérience, amère comme le Spritz tourné au soleil, de l'autosatisfaction bourgeoise qu'en font Eva et Charles, dans Propriété privée. Voulant fuir une vie à louer dans la meute parisienne, le couple investit (dans) un pavillon d'un éco-quartier de banlieue gentiment gentrifié.

Sauf que de l'autre côté du mur, il y a les Lecoq dont l'insupportable bonne figure cache mal de gluants et provocateurs empêcheurs de tourner en rond : elle avec ses mini-shorts et son bonheur markété agités à la face de l'autre ; lui dont la présence au monde est si imposante qu'elle inonde tout – qu'il rentre chez lui, on le suit à la trace sonore, qu'il fasse des travaux, c'est l'allée des voisins qui s'encombre de gravats, qu'il couche avec une femme, c'est la vôtre. Allez donc posséder quoi que ce soit avec des voisins pareils, des voisins tout court.

Non seulement Eva a toutes les peines du monde à mener à bien un projet d'urbanisme indémêlable (et l'entretien de son parterre de... soucis, fleur réputée repousser les parasites) mais Charles, notoirement neurasthénique, ne peut même plus gratter paisiblement les croûtes de sa dépression.

Humanisme et plus-value

Ainsi va la vie de quartier, claudiquant jusqu'au pire : ce chat qui donne de légitimes envies de meurtre retrouvé aussi éventré que le sol de l'éco-quartier dont il faut réviser les ambitions durables, mais par qui ? Et Annabelle, la voisine aux microshorts qu'on ne retrouve pas, elle, mais pourquoi ? C'est là que cette autopsie de la vie pavillonnaire se transforme en polar banlieusard, que l'utopie du vivre ensemble se coule dans le béton d'une maxime pascalienne arguant qu'il n'y a rien que les hommes ne fassent pour chercher le trouble induit par leur quête de vanité.

Ainsi Julia Deck, de son écriture satirique et sardonique, cet humour si dégagé, très Minuit (de Jean Echenoz à Tanguy Viel), interroge-t-elle l'immuabilité de la nature humaine : le changement d'habitat suffit-il à habiter autrement, à s'habiter différemment ? De quelle manière le bâti infuse-t-il notre manière d'être au monde, aux autres, à soi ? De quoi les murs qui nous entourent sont-ils le masque ? Comment concilier vie rêvée et idéal de société hors de toute injonction contradictoire ? L'humanisme est-il soluble dans la plus-value ?

En exposant l'absolue hypocrisie sociale d'une gentrification rimant avec négation de l'autre, Julia Deck livre un délicieux thriller de voisinage, comme on dirait d'espionnage, où chaque indice est passé à la loupe d'une ironie éminemment politique.

Julia Deck
À la librairie le Square vendredi 11 octobre à 19h

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