La médecine gravée sur DVD

MÉDECINE / Depuis la rentrée 2006, pour pallier une recrudescence du nombre d’inscrits à la faculté de médecine de Grenoble, les étudiants de première année suivent leurs cours sur DVD-Rom. Solitude ou autonomie, difficulté ou efficacité, les avis divergent sur le système éducatif de cette première année de médecine. Mode d’emploi d’un enseignement pas comme les autres. Valentine Perazio

«La solitude ça pèse, lâche Élodie, étudiante en première année de Médecine, c’est difficile de se lever le matin et de se dire “allez, il faut bosser tout seul“». Pour leurs premiers pas à l’université, les étudiants de Médecine se voient proposer un apprentissage “multimédia“. Seuls face à un DVD, ils doivent se préparer pour le concours de fin d’année. Ce système résulte du nombre, colossal, d’inscrits : 1300 en 2006, 1400 en 2007, pour seulement 169 places au concours. «Face à cette réalité, notre pédagogie n’était pas adaptée, explique Bernard Sèle, doyen de la faculté de médecine. Les prépa privés ont pris notre place. On avait perdu la main !». De fait, la grande majorité des étudiants sont inscrits, en parallèle, à une prépa, à plus de 1000 euros l’année. «Il a fallu réagir. On a décidé de faire cette rénovation pédagogique». Le programme reste le même, le concours est identique aux années précédentes, mais le fonctionnement d’apprentissage est bouleversé. Un cycle de quatre semaines est mis en place pour découvrir, et apprendre, une à deux disciplines. La première semaine est consacrée à l’étude des cours sur DVD. Seul devant son écran, il faut engranger des savoirs. Une demi journée de coursPour se motiver certains se forcent à venir à la bibliothèque de Médecine. «On a l’impression d’être moins seul, note Leslie, qui repique sa première année. Finalement il y a beaucoup de solidarité entre nous». La deuxième semaine du cycle est consacrée à la formulation en ligne, de questions réponses aux professeurs. Celles-ci sont commentées, pendant deux heures, lors de la troisième semaine dans un amphi de 160 étudiants. «Au final, ça nous fait qu’une demi journée de cours par semaine en amphi», résume Leslie. Le reste du temps les étudiants se retrouvent dans des petites salles réservées à l’apprentissage sur ordinateurs (des salles “Tice“). «On nous a reproché de fermer les amphis pour faire un enseignement à distance, commente Bernard Sèle. Mais nous ne sommes pas le CNED : les heures d’amphis, et de tutorats sont indispensables». Sur les huit heures de cours par semaine, quatre sont dispensées par des étudiants de troisième année. Ce système de tutorat permet de se préparer au concours de façon plus personnalisée, avec la possibilité de faire un examen blanc à la fin de chaque semaine. La solitude reste tout de même le principal défaut de cette réforme. «C’est sûr que c’est un vrai problème, admet Bernard Sèle. Mais elle était déjà là avant. On avait l’illusion de pouvoir la gérer en venant dans les amphis de 700 personnes».Grenoble innovateurDifficile, donc, d’atterrir en première année de Médecine. Les jeunes bacheliers doivent s’adapter à la fois à l’enseignement supérieur, mais aussi à l’esprit d’un concours et à une réforme pédagogique. «On leur en demande beaucoup. On en a parfaitement conscience», constate le doyen de la faculté. Aurélie, arrivée à Grenoble cette année, a préféré s’installer en colocation avec d’autres étudiants en Médecine. «C’est plus facile pour travailler, on se motive». Mais elle n’est pas dupe. Elle sait que se sera d’autant plus difficile de travailler chez elle. «On passe du lycée, où on était trente face à un professeur, à un système universitaire où on est seul. Et ce n’est pas évident de se retrouver d’un coup dans cette situation». Un autre étudiant : «On a l’impression de passer à côté de la vie étudiante, avec les amphis, les profs, les copains». Grenoble a innové en proposant cette solution à un problème devenu a priori insoluble. «Le problème est qu’on est obligé de faire une sélection très sévère, dans un système français où l’université ne doit pas être sélective. Nous ne sommes pas une “grande école“ avec tout le système de classe préparatoire» explique Bernard Sèle. Finalement, l’expérience a fait couler beaucoup d’encre. Entre les détracteurs et les sympathisants, la faculté de Médecine maintient son système. Pour cette seconde année de pratique, des étudiants de seconde et troisième années sont mobilisés dès la première semaine du cycle pour familiariser les néo-étudiants à des méthodes de travail efficace. En 2007, aucune université n’a suivi l’exemple de Grenoble. En attendant, celle-ci est conviée à divers colloques et réunions pour exposer sa réforme. Avec toujours une constante : «On ne peut pas remplacer les professeurs par l’informatique». Mais peut-être que l’on peut, avec plus de moyens, “remplacer” les DVD par des créations d’amphi et de postes d’enseignants.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X